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naquirent et se multiplièrent peu à peu sur tout le territoire ; on les rencontre aujourd’hui jusque dans les parties les plus reculées du Jutland sous le nom de « hautes écoles de paysans » (folkhöjskoler). C’est en effet aux habitans des campagnes qu’elles s’adressent à peu près exclusivement. Elles représentent pour eux à la fois le collège et l’université. Grundtvig se plaisait à compter sur les paysans comme sur le cœur de la nation. A ses yeux, la bourgeoisie, plus ou moins cosmopolite par suite des relations constantes que le commerce entraîne avec les pays étrangers, la noblesse, que ses alliances avec les grandes familles de l’Allemagne du nord lui rendaient suspecte, ne représentent plus la race Scandinave dans toute sa pureté. Pour retrouver sans mélange les vrais descendans des anciens Danois, il fallait se tourner vers les cultivateurs du sol : par eux seuls, la patrie devait être régénérée ; les efforts des patriotes devaient tendre à les former et à les bien diriger. C’est à ce but que les hautes écoles devaient concourir.

La première folkhöjskole fut fondée en 1844 par un ami de Grundtvig, le conseiller d’état Fïor, dans la paroisse de Rödding en Slesvig. On était alors au plus fort de l’agitation germanique dans les duchés. L’école fut créée comme un boulevard du scandin-visme menacé. Voici en quels termes M. Flor exposait ses vues ; c’est un résumé exact des principes dont se sont inspirés ses imitateurs. « L’objet principal de l’instruction qu’on reçoit dans notre haute école, dit-il, est moins dans les connaissances pratiques que nous cherchons à donner à nos élèves que dans la vie intellectuelle que nous nous efforçons d’éveiller et de développer chez eux pour régénérer leur esprit, mûrir leur jugement, élever leur cœur, stimuler en eux le sentiment de l’ordre, du beau, remplacer l’habitude de l’oisiveté par l’amour du travail, donner plus de droiture à leur caractère et à tout leur être, faire naître et fortifier dans leur âme le sentiment de la solidarité nationale et de l’attachement à la patrie. » La préoccupation du patriotisme reparaît plus vivement encore chez d’autres écrivains. « Aucun homme, dit M. Nörregaard, directeur de l’école de Testrup, ne peut vivre sans porter l’empreinte d’une nationalité ; l’instruction doit donc être nationale, pour ouvrir le cœur à la vie nationale, à ses espérances et à ses dangers. »

On conçoit qu’un enseignement de cette nature ne puisse s’adresser à des enfans : les élèves ne sont admis que vers l’âge de quinze ou seize ans, après leur confirmation ; mais la plupart ont au moins vingt ans, « âge où les grandes questions de la vie deviennent pour eux des questions vivantes et doivent seulement le devenir. » Les écoles ne sont ordinairement ouvertes que depuis le mois d’octobre jusqu’au mois d’avril. Quand les récoltes sont