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rétablir l’édit d’Amboise et le statu quo ante bellum. Personne n’acceptait de bon cœur cette solution. On faisait de nécessité vertu et on se promettait secrètement d’en appeler ; les deux partis attendaient l’occasion, et l’occasion ne leur manqua pas. — Il faut se défier des paix boiteuses, disent les pessimistes. Attendez le printemps, vous verrez ce qu’il nous tient en réserve.

Si les pessimistes ont raison, si le printemps prochain, contrairement à nos plus chères espérances, doit déchaîner sur l’Europe le fléau d’une nouvelle guerre, nous aurons du moins la consolation de n’être point surpris à l’improviste par nos malheurs. Non-seulement les prophètes les auront prédits, mais notre arrêt sera prononcé d’avance par certains journaux, à qui les dieux communiquent leurs secrets, et qui seront les tristes hirondelles de ce belliqueux et néfaste printemps ;

…… arguta lacus circumvolitavit hirundo.


Aujourd’hui moins que jamais aucun gouvernement ne prendrait sur lui d’attenter au repos de l’Europe sans y avoir préparé les esprits, sans avoir au préalable justifié ses desseins. En 1869, M. de Bismarck disait au Reichstag que dans les questions brûlantes il importe à tout gouvernement de s’assurer les sympathies de l’opinion publique. « Rappelez-vous, disait-il, les années 1864 et 1866, les journaux publiaient journellement dépêche sur dépêche. Il en sera toujours de même en pareille circonstance, parce que, dans la situation présente de l’Europe et dans l’état de la civilisation moderne, il est impossible d’entreprendre de grandes campagnes politiques ou militaires pour des motifs secrets et pour des raisons de cabinet que l’histoire est chargée plus tard de dévoiler. On ne peut plus, à mon avis, faire la guerre que pour une cause vraiment nationale, je veux dire une cause dont la nécessité s’impose aux multitudes. On peut donc chaque fois que nous commençons à publier nos dépêches en inférer qu’entre nous et le gouvernement auquel nous nous adressons les rapports sont tendus. Nous trahissons par là notre désir de faire connaître au public l’état des choses, parce que nous sommes décidés à en tirer les dernières conséquences et que nous prévoyons que l’appui de l’opinion nous sera nécessaire. Quand il se publie des dépêches délicates, c’est un symptôme grave. » Ainsi s’exprimait le seul homme d’état qui n’ait jamais enveloppé dans l’ombre d’un mystère jaloux les méthodes particulières de sa politique, tant il est sûr que personne ne saura s’en servir contre lui, ni aussi bien que lui. Or jusqu’à ce jour non-seulement les feuilles officieuses n’ont publié aucune dépêche délicate, mais on ne saurait y relever aucun télégramme significatif, aucun entrefilet insidieux, aucune de ces correspondances destinées à dénoncer les intentions belliqueuses du voisin et