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sont entrés des hommes faits, par leur position, par leurs lumières ou par leur expérience, pour honorer et éclairer une assemblée. Ce sénat, après tout, a tout ce qu’il faut pour jouer son rôle de chambre haute dans les institutions créées le 25 février. De plus, il est certain que, si les partis extrêmes, excentriques, ont leurs représentans dans l’assemblée nouvelle, ils sont loin de dominer ; ce n’est pas pour eux que la fortune électorale s’est prononcée. L’immense majorité sortie du scrutin, choisie par les représentans les plus naturels du pays, est visiblement modérée. Elle se compose des plus conservateurs parmi les républicains et des plus concilians, des plus libéraux parmi les anciens monarchistes. Elle s’étend de ces régions tempérées de la gauche, du centre gauche, où ont pris position des hommes comme M. Casimir Perier, M. Laboulaye, M. Waddington, M. Feray, à cette zone où se tiennent des hommes comme M. Bocher, M. le duc d’Audiffret-Pasquier. Elle a pour symbole commun la constitution du 25 février, qu’elle accepte sans arrière-pensée, dont elle veut faire la sincère et loyale expérience. Le vote du 30 janvier est la victoire de cette majorité constitutionnelle ; c’est un vote de paix intérieure, de bon sens, de conciliation, et, si l’on voulait résumer la moralité de ces élections d’hier, on pourrait dire qu’elles sont l’affirmation de la politique modérée ; elles montrent que, si le pays est toujours conservateur, il ne veut pas se laisser aller aux entraînemens de réaction, et que, s’il accepte la république sans résistance, il veut la république libre, paisible et protectrice de tout le monde, non la république agitatrice et menaçante des radicaux.

C’est la signification claire, évidente de ces élections d’hier et du mouvement d’opinion dont elles sont l’expression, des manifestations qui les ont précédées, de toutes les tentatives qui ont été faites pour détourner le pays de sa ligne de modération. A Paris même, le résultat du scrutin, si étrange qu’il soit encore pour une telle ville, n’a point été ce que les esprits les plus extrêmes auraient voulu et comptaient le faire. Sans doute les radicaux du conseil municipal s’étaient arrangés pour avoir des élections selon leurs vœux en imposant leurs prétentions ; ils avaient eu leurs réunions où ils se figuraient renouveler les scènes du jeu de paume ; ils avaient rédigé leur programme et préparé leur liste. Ils avaient désigné leurs candidats par acclamation, ils avaient tout d’abord choisi M. Victor Hugo pour lui confier la mission de représenter le conseil municipal dans l’élection, et de se mettre modestement lui-même au premier rang des sénateurs parisiens avec M. Louis Blanc. Malheureusement le programme a trouvé des contradicteurs, et il a manqué ! Ce ne sont pas les candidats des radicaux extrêmes qui ont eu le plus de succès. M. Louis Blanc a échoué, M. Floquet n’a pas pu réussir à faire prendre au sérieux sa prétention de représenter Paris dans le sénat. M. Victor Hugo lui-même n’a