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pu être élu qu’avec peine, à un second tour de scrutin, et il a failli être devancé par un simple candidat du centre gauche, M. Dietz-Monin. Voilà une médiocre victoire pour l’amour-propre d’Olympio ! Assurément si M. Victor Hugo voulait bien se contenter d’être simplement un poète de génie, un des plus éminens écrivains de la France, il aurait toute sorte de titres à être dans un sénat comme il a autrefois ambitionné d’être dans la chambre des pairs sous la monarchie de juillet ; mais cela ne lui suffit pas, il éprouve le besoin d’être plus radical que tous les radicaux, de se tracer à lui-même, comme il le dit, des programmes plus larges que tous les programmes révolutionnaires. Une fois lancé, il s’enivre de sa propre parole, il ne s’arrête plus devant rien, pas même devant le ridicule ; il promulgue solennellement ses théories financières sur « l’impôt diminué dans son ensemble et proportionné dans le détail, » au risque de ressembler à l’industriel qui perdait sur chacune de ses marchandises, mais qui se rattrapait sur la quantité. M. Victor Hugo dit bien d’autres choses dans son épître apocalyptique du « délégué de Paris aux délégués des 36,000 communes de France, » et il ne s’aperçoit pas que, s’il y a un moyen de rendre la république impossible en France, c’est de la représenter sous les traits qu’il lui imprime.

Non, M. Victor Hugo ne s’est point aperçu qu’il se trompait de date, que toutes ces déclamations révolutionnaires ne répondaient à rien, et il en a été puni aussitôt : lui, le « délégué de Paris, » il a été à peine nommé sénateur au quatrième rang. Le premier élu a été M. de Freycinet, l’ancien délégué militaire de Tours, qui, en invoquant en sa faveur les souvenirs de la défense nationale, s’est présenté comme un homme de bon sens, de connaissances pratiques et de modération politique. En réalité, la victoire a été pour M. Gambetta, qui a exercé une influence visible sur les élections parisiennes, qui a le mérite de comprendre que, pour fonder un régime nouveau tel que la république, il faut avoir la complicité du pays, et que pour avoir cette complicité la première condition est de rassurer tous les intérêts, de rester d’accord avec le sentiment public. M. Gambetta sait que, pour plaire à la France, pour accréditer la république, il faut être modéré, conservateur, et il parle en conservateur, en homme qui sait au besoin négocier avec toutes les opinions. Il a parlé ainsi l’autre jour à Arles, et tout récemment il a su fort habilement transporter la candidature de M. Valentin à Lyon pour éviter de combattre M. le préfet de police, M. Léon Renault, qui se présente pour la seconde chambre aux électeurs de Corbeil. C’est avec ces idées de conciliation que M. Gambetta a certainement contribué pour sa bonne part à faciliter le vote de la constitution du 25 février, c’est en s’inspirant jusqu’au bout de la même pensée qu’il peut aider à la faire vivre et durer. L’essentiel est que les élections prochaines de la seconde