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REVUE. — CHRONIQUE.

avait son administration, ses services publics, ses postes, ses lignes télégraphiques combinées dans l’intérêt de la défense, ses établissemens militaires, ses manufactures d’armes auprès de Durango ou à Vera dans la Haute-Navarre. L’organisation autonome et privilégiée des provinces basques s’était prêtée à cette sécession absolue; rien n’était changé, si ce n’est le nom du « seigneur » de Biscaye ou de Navarre. La capitale n’était plus à Madrid, elle était à Estella ou à Tolosa, voilà tout. Dans l’intérieur, la vie ordinaire ne semblait pas interrompue, le travail continuait, les relations de commerce pour certains approvisionnemens nécessaires se faisaient par un cabotage incessant sur la côte de Biscaye ou par quelques passages des Pyrénées. Du jour où l’armée régulière désorganisée par la révolution avait été obligée de quitter ses derniers postes intérieurs pour se replier jusqu’au littoral ou jusqu’à l’Èbre, le carlisme avait le temps de s’organiser, de s’établir en maître dans le pays, de se créer une armée avec une population facile à fanatiser et belliqueuse. Il avait en son pouvoir cette vaste citadelle des montagnes du nord dont il n’a eu qu’à fortifier méthodiquement les abords, les défilés, les principaux points stratégiques, pour se mettre à l’abri de toute surprise. Il en est résulté que, lorsqu’on a voulu revenir sérieusement au combat, il a fallu une armée de plus de 100,000 hommes, de véritables opérations de guerre pour assaillir l’insurrection dans ses derniers retranchemens du nord. Un échec, même partiel, eût été désastreux. Le gouvernement et les généraux ont tout fait pour l’éviter, pour être au contraire en mesure d’en unir d’un seul coup. Ils ont réussi; le jour où l’armée, patiemment refaite, habilement disposée, a pu engager l’action, elle a forcé victorieusement toutes les entrées du pays carliste.

Tout s’est accompli à la fois. Pendant que Martinez Campos, remontant vers le nord, allait, par la vallée de Baztan, emporter au prix d’une lutte sanglante les positions de Vera et fermer aux carlistes la frontière de France, un de ses lieutenans. Primo de Rivera, attaquait Estella et forçait la capitale du prétendant à se rendre; d’un autre côté, le général en chef de l’armée, Quesada, pénétrait de vive force dans le Guipuzcoa, livrait bataille à Elgueta et s’avançait par Durango, Vergara, jusqu’à Tolosa, liant ses opérations à celles du général Loma, du général Morionès, sorti de Saint-Sébastien, Aujourd’hui les divers corps de l’armée libérale rayonnent et se rejoignent de toutes parts. L’insurrection a perdu ses plus fortes positions. Les bataillons carlistes, après s’être battus vigoureusement, font leur soumission, et la plupart des chefs sont déjà passés en France. Où était le prétendant. Il ne paraît en vérité avoir assisté à aucune des chaudes affaires que ses partisans ont soutenues pour lui. Il s’est jeté avec ses dernières forces dans les Amezcoas, et, pressé de toutes parts, il a été obligé de se réfugier en France. Le succès