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l’on place des gâteaux de farine de riz et une veilleuse; à sa gauche, on dépose les plateaux, les coupes et les bâtonnets dont le défunt se servait habituellement pour manger et on lui sert des légumes. Au bout de quarante-huit heures, on lave le corps, on rase la tête, tandis que le prêtre récite des prières ; on l’habille ensuite de vêtemens de forme ordinaire et d’étoffe plus ou moins riche, mais toujours de couleur blanche. On le place alors dans la bière dans la posture la plus habituelle aux vivans, c’est-à-dire accroupi sur les talons, les jambes ramenées sous lui, les mains jointes dans l’attitude de la prière. La bière est de forme cubique, en bois de pin soigneusement raboté, sans aucun ornement ni peinture; on en remplit les vides avec des feuilles de thé ou de l’encens. Chez les pauvres gens, l’enterrement a lieu la nuit, pour éviter de donner en spectacle la modestie du cortège; dans la classe aisée, il se compose d’un prêtre qui précède le normion, où est contenu le corps : ce norimon, de forme spéciale, est porté sur les épaules de quatre hommes et couvert d’une étoile blanche. Derrière viennent les parens et les amis, portant sur les épaules un manteau de soie à larges ailes flottantes, tout à fait semblable au surplis de nos diacres, la tête couverte d’un chapeau de paille grossière et le sabre court passé à la ceinture. Certaines sectes brûlaient leurs morts, on le leur a défendu, puis de nouveau permis; tantôt on brûle le coffre avec son contenu, tantôt on se contente d’étendre le corps sur un bûcher où l’on marque d’avance la place où il faudra recueillir les cendres; elles sont enfermées dans des urnes de porcelaine, réparties entre les parens quand toute la famille n’a pas le même tombeau, et confiées à la terre.

Les shintoïstes ensevelissent leurs morts dans une bière longue, où ils sont couchés; on les conduit avec l’assistance des prêtres au cimetière, où ils sont enterrés sans crémation; c’est sur ces tombes que jadis les serviteurs des grands s’immolaient de leurs propres mains, comme victimes expiatoires; mais ces sacrifices furent remplacés par des images grossières que l’on enfouissait avec le mort, puis abandonnés tout à fait. Le deuil comprend une première période de cinquante jours, pendant laquelle il est interdit aux enfans et à l’époux de se raser, de boire aucune liqueur, de manger autre chose que des végétaux, puis se prolonge pendant une seconde période d’un an, où les parens sont frappés d’impureté et doivent s’abstenir d’entrer dans les temples, sauf celui auprès duquel repose le défunt. Chez quelques personnes, on écrit au revers d’un miroir d’acier le nom du mort et l’on vient pendant quarante-neuf jours déposer des offrandes devant cette image.

De toutes les pratiques religieuses, il n’en est pas qui soient plus universellement observées que les marques de respect données aux