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comme on appelle naïvement ses adversaires politiques, et des bandes nombreuses se promènent dans les rues, narguant tous ceux qui ne sont pas des leurs et insultant les partisans du camp opposé. Ou pérore, on crie, on gesticule, dans les cafés, au coin des rues ; les passions s’excitent par le bruit, les vieilles haines se réveillent, et il ne se fait pas d’élection que la fusillade et les coups de couteau ne troublent et qui ne laisse après elle le souvenir de quelques assassinats.

Toute famille qui a eu un jour pour un de ses membres des prétentions à la députation possède ce que nous appelons en France une urne électorale. Comme chez nous, c’est une boîte carrée en bois ou en fer ; mais la prudente défiance des Grecs y a ajouté un perfectionnement qui mérite d’être noté. L’urne est intérieurement divisée en deux parties par une planche verticale ; un tuyau de fer-blanc peint, évasé au sommet, est exactement placé sur le point d’intersection, en sorte qu’il communique également avec chaque côté de la boîte. Les bulletins sont remplacés par de petites boules de plomb : chaque parti fournit les siennes aux votans ; mais, et c’est un excellent moyen pour soustraire l’électeur à l’influence directe de ceux qui le font voter, quand celui-ci plonge le bras dans le tuyau, nul ne peut savoir s’il a jeté la boule d’un côté ou de l’autre, et s’il a été fort sollicité avant le vote, il est du moins resté absolument libre à l’instant décisif. Des parens de chaque candidat viennent se relayer auprès de l’urne jusqu’à ce que le scrutin soit fermé. De la sorte, on est à peu près certain de la validité des élections. Quand le résultat est connu, c’est le signal d’une joie sans bornes pour une partie des habitans, et d’une véritable consternation pour les autres. Il s’agissait en effet d’une partie importante, et les vainqueurs font retentir pendant plus d’un jour la ville de leurs cris et de leurs chants, tandis que les vaincus comptent tristement chez eux les milliers de drachmes qu’ils ont dépensées inutilement, et toutes les places et les beaux traitemens qu’ils perdent à la fois.

Les maires sont aussi élus au suffrage universel, et les mêmes cabales se forment pour faire triompher les élus de chaque camp. Ces élections ont autant d’intérêt que les élections générales, parce qu’elles en assurent d’avance le résultat. Le maire a en effet dans les villes une telle influence que lorsque deux partis sont en rivalité, il fait pencher la balance du côté qu’il veut. Aussi, quand l’époque de la réélection des maires se présente, chaque faction a bien soin de présenter son candidat afin d’avoir en lui un auxiliaire tout-puissant quand viendra la dissolution.

L’influence des partis si nettement divisés dans la province s’é-