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mais aussi remplis de paradoxes que ceux où son compatriote d’il y a un siècle combattait la liberté, aujourd’hui complètement victorieuse, du commerce des grains.

En réponse aux champions du double étalon, il y a lieu d’abord de montrer que, contrairement à leurs assertions, ce système n’a pas force légale en France, qu’il n’y subsiste que par abus, car ce n’est pas du tout ce qu’a voulu établir le législateur par la loi du 7 germinal an XI, qui est encore aujourd’hui notre loi fondamentale sur les monnaies. Dès lors la thèse des défenseurs de ce système ne sera plus qu’un fragile échafaudage sans fondations pour le soutenir. Il est possible de démontrer pareillement que la circulation simultanée des deux métaux est en fait absolument impraticable, du moment qu’on prétend établir comme une règle de fer qu’il y aura toujours entre les deux métaux un rapport immuable de valeur tel que celui de 1 à 15 1/2. Or c’est ce rapport immuable qui constitue le double étalon.

Ce dernier fait n’a point échappé à un économiste fort distingué, M. Wolowski, défenseur aussi du double étalon ; mais au lieu de s’en laisser ébranler, il a cru qu’il y trouverait un argument à l’appui de son opinion. Acceptant ce que la justesse de son coup d’œil lui prouvait être conforme à la nature des choses, que le double étalon ne pouvait avoir pour résultat, si ce n’est accidentel, la circulation effective des deux métaux à la fois, il en conclut que la France, en se plaçant sous ce pavillon, aurait la circulation d’argent pendant une période durant laquelle l’argent serait en baisse, et où l’or le vaudrait plus de 15 fois 1/2 ; puis, pendant une autre phase, durant laquelle au contraire l’or vaudrait moins de 15 fois 1/2 l’argent, l’or en prendrait la place. Une oscillation nouvelle ramènerait la circulation de l’argent, et ainsi de suite. Selon lui, ce balancement serait favorable à la sécurité des transactions, en ce qu’il empêcherait les grands écarts dans la valeur des marchandises. Cette conséquence, à son gré infaillible, du double étalon lui semble devoir faire pencher la balance de ce côté. Nous essaierons de prouver que l’espérance de M. Wolowski, au sujet d’une stabilité relative des prix, est loin d’être fondée, et que son plaidoyer en faveur du double étalon ne saurait sauver ce système, frappé à mort qu’il est par la force combinée du raisonnement et des faits accomplis.


II

La loi de germinal an XI ne fut pas une improvisation ; elle fut au contraire le résultat d’une longue élaboration, pendant laquelle on discuta vivement sur ce qu’il fallait faire. Ce fut une gestation qui dura plus de deux ans, quoiqu’elle succédât à des travaux