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Ils le comprennent à merveille en ce qui concerne les relations extérieures, par exemple avec l’empire ottoman : ils se défient de tout remaniement territorial capable de fortifier les Slaves du sud, et ils rendront volontiers quelques services aux Turcs leurs ennemis séculaires, devenus quelquefois dans les temps modernes leurs alliés ou leurs amis. Puissent-ils comprendre aussi bien que les questions de race, dans l’intérieur de la monarchie elle-même, les exposent à des dangers permanens ! Malheureusement ils sont trop disposés à ne pas s’en rendre compte. Un historien distingué dont nous attirions l’attention de ce côté nous répondait : « Les Slaves ne peuvent nous causer aucune inquiétude s’ils ne sont pas appuyés par la Russie ou par la dynastie ; or la Russie s’occupe d’autres affaires et la dynastie nous est dévouée, donc nous sommes tranquilles. »

Leur sécurité, encore affermie par la conscience de leur supériorité en richesse, en lumières, en esprit politique, sur les Slaves et les Roumains régnicoles, n’est pas telle qu’ils se croient dispensés de toute mesure de précaution. Seulement les mesures qu’ils prennent ne sont pas toujours bien inspirées, car elles ne sont pas toujours libérales, et mieux vaudrait qu’ils fussent réellement exempts de toute inquiétude, assez pour dédaigner tout moyen d’oppression. Ils sont pressés de voir, triompher partout, dans les limites du royaume, leur langue si difficile pour qui ne la sait pas de naissance ; au lieu de se contenter de lents progrès déjà obtenus et qui ne pourraient manquer de continuer, ils sont enclins à préférer l’action brusque et précipitée de la loi et à fermer les collèges slaves qui les gênent. De tels procédés ne sont pas dignes de ce grand peuple, ils l’ont compromis chaque fois qu’il s’y est laissé entraîner, comme l’ont compromis toutes ses velléités d’autonomie absolue. La force et la gloire des Magyars est d’être la nation libérale du grand empire du Danube, de le diriger au nom de son intelligence politique et de son glorieux passé, de s’assimiler des élémens trop faibles à eux seuls, mais capables de perfectionnement, par la puissante attraction des viriles institutions et du patriotisme. Par là ils sont et resteront vraiment forts.


II

Les économistes, dans ces dernières années, ne se sont pas moins préoccupés des affaires hongroises que les hommes politiques, et le plus souvent la tristesse ou la sévérité domine dans leurs appréciations. Ils ne pensent pas pouvoir dissimuler leurs inquiétudes sur l’avenir d’un pays où les finances publiques sont en souffrance comme la richesse des particuliers. À ce point de vue encore,