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incohérent, dangereusement favorable à toutes les menées révolutionnaires, et en définitive menaçant pour le Piémont lui-même. C’est par là qu’on pouvait peut-être saisir cette situation de l’Italie et la ramener à quelques points précis sur lesquels la diplomatie pourrait être appelée à fixer son attention. Cavour ne négligeait rien, et dès son arrivée à Paris il s’était mis à l’œuvre avec une infatigable activité. A la question que lui avait adressée l’empereur Napoléon III, en lui demandant ce qu’on pouvait faire pour l’Italie, le ministre piémontais avait répondu par un mémoire d’une lucidité et d’une vigueur saisissantes. A la veille même de la signature de la paix, le 27 mars, il adressait à ses alliés de France et d’Angleterre une note reproduisant en traits nouveaux la situation de l’Italie, proposant pour les états romains, au moins pour les légations, des combinaisons peut-être irréalisables, mais qui pouvaient être un point de départ. Plus le congrès avançait dans son travail de la paix, plus Cavour redoublait de pressante énergie, comme s’il sentait lui échapper une occasion si chèrement conquise. Il arrivait enfin ! Il avait réussi à mettre en mouvement Napoléon III, à séduire lord Clarendon, à s’assurer tout au moins une certaine neutralité encourageante des Russes. L’empereur se décidait à charger le plénipotentiaire français, le comte Walewski, de mettre le feu à la poudre amassée par Cavour, et c’est ainsi que huit jours après la paix la question italienne éclatait tout à coup en plein congrès de Paris, dans cette séance du 8 avril 1856, où pour la première fois l’Autriche se voyait obligée d’entendre des paroles qui lui annonçaient qu’après la Russie elle aurait peut-être à payer les frais de la plus prochaine guerre.


IV

Séance curieuse assurément et mémorable par les conséquences qu’elle a elles ! Le plénipotentiaire de France, il est vrai, appelait à son aide tous les euphémismes diplomatiques ; il profitait de l’occasion du congrès pour provoquer « un échange d’idées sur différens sujets qui demandaient des solutions et dont il pourrait être utile de s’occuper afin de prévenir de nouvelles complications. » Il mêlait toute sorte de choses, l’occupation de Rome par les troupes françaises, l’occupation des légations par les Autrichiens, la situation du royaume de Naples, l’anarchie de la Grèce et les excès des journaux belges.

En réalité, on savait bien ce dont il s’agissait, et l’Autriche était la dernière à s’y méprendre. Aussi le comte Buol se hâtait-il d’invoquer l’incompétence du congrès et de décliner toute discussion sur les affaires d’Italie. Il se refusait à toute explication, à toute