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O fils de Dieu, rédempteur du monde ! O Saint-Esprit, qui procèdes de tous deux, trois personnes et un Dieu, ayez pitié de moi, très misérable pécheur ! » Longue et touchante est son exhortation, et quand il arrive à l’exposition de sa foi, pressé par le père Cole de mettre plus de clarté dans ses paroles, il s’écrie :


Et maintenant j’en viens au grand sujet qui pèse sur ma conscience plus que toute autre chose que j’aie dite ou faite dans mon existence entière, car par crainte de la mort et pour sauver ma vie, s’il était possible, j’ai répandu des écrits contraires à la vérité que je portais dans mon cœur. Les papiers que cette main a signés depuis ma dégradation, je les renonce tous ici. Et puisque c’est ma main qui fut coupable, les ayant écrits contre mon cœur, c’est ma main qui brûlera la première. Et maintenant je puis aller au feu.

LES PROTESTANS.

Je savais bien qu’il en serait ainsi. Dieu le bénisse !


Le coup de théâtre contenu dans cette scène, le poète le doit à l’histoire ; mais ce qui est bien à lui, c’est l’art délicat avec lequel il a su reproduire la physionomie du prélat lettré, qu’il était malaisé de faire revivre et de fixer au milieu de ses contradictions. Peut-être n’était-il pas beaucoup plus facile de se montrer impartial en marquant la part des erreurs, même chez les victimes. M. Tennyson, le mérite n’est pas mince, a réussi à tenir la balance égale. C’est par une bouche catholique qu’il fait raconter la mort du martyr protestant, et ce récit, avec les réflexions qui l’accompagnent, donne au quatrième acte une grande conclusion.

Il n’est guère qu’un personnage à l’égard duquel le poète ne témoigne pas un peu de cette pitié due aux bourreaux ; c’est Philippe. Le mari de la reine passe dans le drame ainsi qu’il a passé dans la vie de sa femme, comme l’image de l’indifférence cruelle et de l’ennui cynique. Il est las de Marie et de ses fausses espérances, las de ce pays humide et sans soleil, et il songe à s’en aller. Il songe aussi à Elisabeth et la protège avec une arrière-pensée qu’il ne prend pas la peine de beaucoup dissimuler. Simon Renard lui représente qu’il aurait tort de jeter le masque avant la fin de la comédie, qu’il est haï du peuple, que la reine est jalouse. Philippe répond qu’il ne changera pas de manières pour ces « bêtes brutes d’insulaires, » et qu’il ne se mettra pas davantage à composer des sonnets pour célébrer les yeux myopes de son épouse. Il est malade à en mourir, plus malade qu’il ne l’a été en passant la mer, et il veut partir. L’abdication de son père lui servira de prétexte. Quelle