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LA CONSTITUTION DU SOLEIL.

préparée de longue main, et qui devait être visible en France, en Autriche et en Italie, fut une véritable révélation : pour la première fois on eut des relations concordantes et précises du phénomène de la couronne, de celui des protubérances roses qui font saillie le long du bord solaire, et l’on se demanda quelle était la signification réelle de ces étranges apparences. Les éclipses suivantes, notamment celle du 18 juillet 1860, pour laquelle les astronomes de tous les pays s’étaient donné rendez-vous en Espagne, et celle du 18 août 1868, qui fut observée dans l’Inde et l’Indo-Chine et qui présentait une durée exceptionnelle (6′ 25″), ont fait faire de grands pas à notre connaissance du soleil. En 1860, le père Secchi et M. Warren de la Rue réussirent à photographier les diverses phases de l’éclipse, avec l’auréole et les protubérances ; en 1868, M. Janssen reconnut la nature chimique des protubérances et trouva le moyen de les observer en tout temps.

Les protubérances avaient d’abord causé tant de surprise que plus d’un astronome en contesta la réalité, et ne voulut y voir qu’une illusion d’optique, un simple effet de diffraction, comme les franges colorées qui se produisent quand la lumière rase les bords d’un orifice étroit. On chercha longtemps le moyen de les voir en dehors des éclipses. On explorait le bord du soleil à l’aide de verres ou de liquides colorés qui devaient éteindre la plus grande partie des rayons du spectre et ne laisser passer que les rayons rosés des protubérances. M. Huggins essaya sans succès une dissolution de carmin dans l’ammoniaque, combinée avec une solution de chlorophylle. Peut-être ce procédé réussirait-il, si l’on découvrait un milieu strictement monochromatique qui ne donnerait passage qu’aux rayons rouges de la raie principale des protubérances. En attendant, grâce à M. Janssen, le problème a été résolu par un tout autre moyen.

Cette belle découverte, qui est devenue le point de départ d’un vaste ensemble de travaux sur la physique solaire, a été elle-même une conséquence imprévue des applications de l’analyse spectrale à l’étude des astres. Depuis 1860, le spectroscope était employé à scruter la constitution chimique du soleil ; mais tout se réduisait encore aux inductions qui se tirent des raies noires du spectre solaire, raies que l’on attribue, avec M. Kirchhoff, à une absorption exercée par les vapeurs des diverses substances dont le soleil est formé. On sait que la coïncidence d’un grand nombre de ces stries noires avec les raies brillantes des vapeurs et des gaz incandescens a permis de reconnaître dans le soleil la présence de beaucoup de corps simples connus des chimistes. Pourtant ces raies obscures ne sont, pour ainsi dire, que des épreuves négatives du