Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 15.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prudence, le patriotisme comme l’affection paternelle, lui prescrivaient la conduite qu’il tenait et déclarait solennellement. Plus encore peut-être que sa démarche même, ce langage du roi, tout empreint de ses idées et de ses sentimens personnels, caractérisait fortement dès lors sa politique et devait faire pressentir à ses ministres comme aux députés belges, à l’Europe comme à la France, la persévérance qu’il mettrait à la pratiquer. »

Avec un peu plus d’attention et d’impartialité, le baron de Stockmar dans ses notes, et le fils de Stockmar dans ses commentaires, auraient tenu grand compte de ces belles paroles, ils auraient dû se rappeler aussi les déclarations analogues que faisait M. Thiers cette année-là même, en 1831, dans le curieux ouvrage intitulé : La Monarchie de 1830. Le jeune député disait, interprétant la pensée du roi : « Nous ne pouvions pas souffrir que la république, que la dynastie impériale, que nous n’avions pas voulues chez nous, s’établissent à côté de nous pour recueillir, exciter, revomir nos mécontens. Nous ne pouvions pas donner le duc de Nemours, car ce n’était pas la réunion pour nous et c’était autant que la réunion pour les puissances, c’était par conséquent la guerre pour un simple intérêt de famille. Léopold nous convenait seul, non parce qu’il était Anglais, car on est toujours et tout de suite du pays sur lequel on est appelé à régner, mais parce qu’avec l’air anglais il devait être un bon, un vrai Belge, » Plus scrupuleux que M. de Stockmar, l’historien national de la Belgique, M. Théodore Juste, s’il n’a pas cité la haute appréciation de M. Guizot, a cité du moins les paroles si nettes de M. Thiers. Voilà donc les assertions de Stockmar réduites à néant par les témoignages les moins contestables. Il n’y a pas eu double jeu dans la conduite du gouvernement français ; bien loin de là, dans le va et vient des émotions si naturelles que produisait un état de choses modifié de jour en jour, il y a eu de la part du roi une ferme et constante résolution.

Assurément le conseiller du prince Léopold, dans les négociations laborieuses qui ont précédé l’élection du roi des Belges, a fait preuve d’une rare sagesse, il a ménagé les Anglais, il a servi les Belges, il a une part enfin, une sérieuse part, dans le succès de cette grande affaire ; mais l’éditeur des notes de Stockmar a beau enfler son mérite, il est évident que les premiers fondateurs du royaume de Belgique, — avec les grands citoyens belges, bien entendu, avec les Van de Weyer, les Nothomb, les Félix de Mérode, les Van Praet, — les premiers fondateurs du royaume de Belgique ont été l’Angleterre et la France, lord Palmerston et Louis-Philippe.