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commune, de plusieurs officiers municipaux. À ce corps municipal venait s’adjoindre dans certains cas une assemblée de notables, ce qui formait alors le conseil général de la commune. Tous ces agens municipaux étaient nommés par l’universalité des citoyens. Le maire se trouvait investi d’attributions de deux sortes. Il restait le représentant des intérêts communaux, en même temps qu’il devenait l’agent de l’état, chargé en son nom d’assurer dans la commune la bonne exécution des lois.

L’état de choses créé par l’assemblée constituante ne vécut pas longtemps ; il est donc impossible de le juger sur les résultats qu’il a produits. Bientôt la tourmente arriva, et avec elle un régime peu fait pour assurer la liberté des élections. Les communes révolutionnaires, dont le nom est resté dans l’histoire lié aux plus effroyables abus et aux tragédies les plus sanglantes, provenaient-elles d’ailleurs d’élections plus ou moins régulières ? N’étaient-elles pas plutôt la création arbitraire des comités de salut public, dont l’action tyrannique et violente rayonna bientôt sur tout le territoire ? Quoi qu’il en soit, les institutions municipales établies en 1789 ne furent abrogées que par la constitution du 5 fructidor an III, qui fît subir à l’organisation municipale de notables changemens. La municipalité de canton fut substituée à la municipalité de commune. Il semble qu’après l’expérience faite de la loi du 14 décembre 1789 on ait reconnu l’impossibilité de trouver dans les petites communes des maires d’une compétence ou d’une honnêteté suffisantes. Ce n’était pas la seule innovation que présentât la constitution de fructidor en matière d’organisation municipale. Après une période de trouble et d’anarchie où des pouvoirs occultes s’étaient substitués partout à l’autorité du pouvoir central, celui-ci avait senti le besoin de s’affirmer davantage. Tout en laissant encore aux citoyens le droit d’élire les administrations départementale et municipale, la constitution, par son article 191, instituait auprès de chacune d’elles un commissaire du directoire, chargé de requérir et de surveiller l’exécution des lois. Elle conférait également au directoire exécutif ou à ses ministres le droit de suspendre les administrateurs locaux, le droit d’annuler leurs actes. On voit qu’on était déjà loin des idées d’indépendance absolue qui avaient prévalu en 1789. On commençait à prendre des mesures pour mettre fin aux résistances locales, pour que le gouvernement eût toujours le dernier mot.

Ce premier pas vers un régime plus fort fut bientôt suivi d’un autre, bien plus hardi, bien plus significatif. Avec la constitution du 22 frimaire an VIII tout change d’aspect. On peut dire que c’est la revanche du pouvoir central sur les franchises locales. On sent que ce régime est créé de toutes pièces pour assurer les desseins d’un homme dont rien ne limite déjà plus les visées ambitieuses :