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proclamation : « L’Autriche a amené les choses à cette extrémité qu’il faut qu’elle domine jusqu’aux Alpes, ou que l’Italie soit libre jusqu’à l’Adriatique, car dans ce pays tout coin de terre demeuré indépendant est un danger pour son pouvoir… Le but de cette guerre est donc de rendre l’Italie à elle-même, non de la faire changer de maître, et nous aurons à nos frontières un peuple ami qui nous devra son indépendance… » L’empereur ajoutait aussi, il est vrai : « Nous n’allons pas en Italie fomenter le désordre ni ébranler le pouvoir du saint-père, que nous avons replacé sur son trône, mais le soustraire à cette pression étrangère qui s’appesantit sur toute la péninsule… » Peu après, à Milan, au lendemain de Magenta, qui livrait la Lombardie aux alliés, Napoléon III adressait des paroles bien plus graves aux « Italiens » en leur disant : « La Providence favorise quelquefois les peuples en leur donnant l’occasion de grandir tout à coup ; mais c’est à la condition qu’ils sachent en profiter. Profitez donc de la fortune qui s’offre à vous ! .. Unissez-vous dans un seul but, l’affranchissement de votre pays. Organisez-vous militairement. Volez sous les drapeaux du roi Victor-Emmanuel, qui vous a déjà si noblement montré la voie de l’honneur,… et, animés du feu sacré de la patrie, ne soyez aujourd’hui que soldats ; demain vous serez citoyens libres d’un grand pays… »

« L’empereur parlait ainsi, et naturellement à ce signal, par la logique, irrésistible des choses, tout s’ébranlait. Déjà, au début de la guerre, aux derniers jours d’avril, Florence avait fait sa révolution, laissant paisiblement partir son grand-duc lorrain, qui allait chercher un refuge au camp de l’Autriche. Les gouvernemens de Modène, de Parme avaient disparu d’eux-mêmes. Bientôt, vers la mi-juin, les Autrichiens, voulant avoir toutes leurs forces sur l’Adige, se hâtaient de quitter les provinces du pape qu’ils occupaient depuis dix ans, Ancône, Bologne, et aussitôt, d’un élan spontané, la Romagne entrait à son tour dans le mouvement. Tous ces faits s’accomplissaient sans résistance, sans combat, de sorte que sur les pas des armées il se formait une Italie à demi émancipée et se tournant vers le Piémont. C’était à vrai dire, dans le programme de la guerre, la partie la plus délicate, dont Cavour se préoccupait vivement. Il avait à suivre jour par jour ce travail d’affranchissement successif qui avait certes toutes ses sympathies et qu’il ne voulait pas laisser dégénérer, dans lequel il voyait une de ses forces. Il avait envoyé à Parme le comte Pallieri, à Modène l’ardent et dévoué Farini, à Florence le sage M. Boncompagni. Pour Bologne, où la situation devait être difficile, il réservait le personnage le mieux fait pour en imposer par l’autorité de son nom, de sa loyauté et de son esprit, Massimo d’Azeglio. Ce qui serait décidé de ces provinces, pour le moment livrées à elles-mêmes, c’était l’affaire de la