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pour montrer gue les bassins houillers de la Chine peuvent marcher de pair avec ceux de l’Amérique pour l’étendue des gisemens comme pour l’abondance et la qualité des produits. Ce qui en augmente encore l’importance, ce sont les facilités de toute sorte qu’on trouve dans les régions du nord pour l’extraction et pour le transport du combustible minéral. En ajoutant à ces gisemens ceux de l’Inde, du Turkestan, de la Sibérie, enfin ceux qui sont exploités à Formose et au Japon, où l’extraction atteignait l’année dernière près de 400,000 tonnes, on n’aura pas de peine à se convaincre que le stock de combustible minéral que les siècles passés ont accumulé dans les entrailles de la terre n’est pas encore près d’être épuisé. La superficie totale des bassins houillers qui ont été signalés jusqu’à ce jour dans l’ancien et le Nouveau-Monde paraît égaler vingt fois celle des gisemens qui sont exploités dans l’Europe entière ; elle dépasse vraisemblablement 1 milliard de kilomètres carrés, c’est-à-dire la surface de la France et de l’Espagne réunies. Quel que puisse être l’accroissement progressif de la consommation, il y a là encore du combustible pour plusieurs milliers d’années, et les craintes qui ont été formulées à cet égard sont vaines.

Ce qui n’est pas impossible, c’est que l’Amérique du Nord et l’extrême Orient entrent en scène comme pays producteurs par excellence et accaparent, dans un avenir plus ou moins rapproché, l’hégémonie de la grande industrie. La houille, en Asie comme en Amérique, est accompagnée d’excellens minerais de fer, sans parler des autres métaux qu’on y rencontre en abondance. Des terres d’une grande fertilité, qui peuvent nourrir une population très dense, n’attendent que des procédés d’exploitation rationnels pour donner des récoltes prodigieuses. Enfin la Chine, et c’est un point capital, dispose encore d’un nombre de bras pour ainsi dire illimité, de 30 ou 40 millions d’ouvriers aussi habiles que sobres et qui travaillent à bas prix ; dans ce stock de main-d’œuvre, l’Amérique puise à pleines mains. Ce sont les « Célestes » qui fouillent le guano des îles Chincha, eux qui ont construit le chemin de fer de l’isthme de Panama, une grande partie de celui du Pacifique et presque tous les canaux de la Californie. A quels résultats n’arriverait-on pas avec cette armée de fourmis si elle était bien dirigée !

Un profond connaisseur de l’extrême Orient, M. le comte Kleczkowski, a présenté, dans un ouvrage récent[1] sur l’avenir commercial de la Chine, des réflexions qui méritent à un haut degré d’attirer l’attention des hommes sérieux, quoique ses appréciations des ressources matérielles du Céleste-Empire, si on les rapproche

  1. Cours graduel et complet de chinois, par le comte Kleczkowski, ancien chargé d’affaires de France à Pékin. Paris 1876, Maisonneuve. — Avant-propos, p. VII-LIII.