Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 16.djvu/481

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la renaissance ont su mal s’en défendre. Le progrès commence à se faire ; l’étude des formes antiques, la connaissance des pays grecs y sont pour beaucoup. C’est que dans l’histoire, si les faits et la science sont la base, la qualité maîtresse est l’aperception ; c’est qu’il ne suffit pas de savoir et de raisonner, mais qu’il faut sentir, et que dans le rapport étroit qu’ont toujours eu les formes extérieures et l’esprit, même chez le plus intellectuel de tous les peuples, le plus sûr moyen de voir l’âme telle qu’elle a été est peut-être encore de s’arrêter longtemps à contempler toutes les manifestations matérielles qu’elle nous a laissées d’elle-même.

Tel que ce livre a été compris, et par cela seul qu’il est conforme à la bonne méthode, nous ne sommes pas surpris que la psychologie y tienne une grande place. L’analyse du génie grec est à chaque page dans ce volume ; mais l’auteur va plus loin, et par une innovation dont il n’y a encore que peu d’exemples en France, il essaie d’étudier l’histoire de quelques sentimens particuliers dans le mémoire sur les Croyances et les superstitions populaires des Grecs modernes. Ce sont là les débuts d’une science dont l’avenir n’est pas incertain. Il est évident que, dans cette connaissance du caractère propre à chaque peuple et des facultés qui composent son génie, il est nécessaire de classer les idées, les sentimens, les passions, d’en faire l’histoire comparée, de marquer la part de la tradition, celle du fonds commun à la nature humaine, de préciser les origines, de suivre les transformations. Le but à atteindre serait d’abord pour un peuple particulier d’analyser ainsi toutes ses croyances, et en marquant le trait distinctif de chacune d’elles, d’arriver à la formule générale qui s’applique à toutes. C’est un objet d’études auquel conduit naturellement l’histoire, puisqu’elle doit être si souvent la psychologie des facultés sociales, et dont les archéologues connaissent toute l’importance : l’ambition dernière de leurs recherches, surtout dans l’examen des représentations figurées, n’est-elle pas la connaissance des formes variées de la pensée et du sentiment ?

Ces courtes remarques n’ont pas la prétention d’exposer en détail, et avec la suite des preuves qu’il faudrait rappeler, les rapports de l’archéologie et de l’histoire. Pour comprendre comment ce sujet peut être traité, tout ce qu’il comporte d’idées neuves et utiles, c’est le livre même de M. Perrot qu’il faut lire. Les quelques considérations que nous lui avons empruntées montrent, croyons-nous, combien cet ouvrage fait honneur à celui qui a su l’écrire ; il sert l’archéologie en la faisant voir telle qu’elle doit être ; il aidera le mouvement d’opinion qui réclame pour cette science, dans notre enseignement, la place qui ne saurait plus lui être longtemps encore refusée.


ALBERT DUMONT.