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l’organisation des postes et des télégraphes qui permet à une lettre et à une dépêche de circuler à travers toute la péninsule pour la somme respective d’un anna (15 centimes) et d’une roupie (2 fr. 50 cent.), — les encouragemens prodigués à l’industrie et au commerce, les travaux de géodésie, les explorations géologiques, l’établissement du cadastre, — l’organisation de la surveillance hygiénique et du service médical, la conservation et le repeuplement des forêts, la naturalisation des plantes industrielles, telles que le thé, le café, le coton, le quinquina, etc., la création de fermes modèles et d’expositions agricoles, — enfin les mesures énergiques et coûteuses qui ont supprimé ou du moins atténué les horreurs périodiques de la famine, ce fléau invétéré de l’Inde. On voit qu’aucun objet de l’activité humaine n’a échappé à la sollicitude du gouvernement, et le plus bel éloge qu’on puisse faire de cette politique, c’est de reproduire le fait, déjà cité par M. de Valbezen[1], que la consommation annuelle de l’Inde, estimée à 3 millions de livres sterling avant l’insurrection, s’est élevée en moyenne, pendant la période décennale 1862-1872, à 14 millions et demi, — résultat d’autant plus remarquable que jusqu’à présent ce n’est pas la civilisation qui dans l’Inde engendre les travaux publics, mais ce sont les travaux publics qui propagent les germes de la civilisation.

Il faut surtout tenir compte de la véritable révolution accomplie en quelques années par l’extension des chemins de fer. Dès 1844, sir Macdonald Stephenson formulait le projet d’une voie ferrée dans la vallée du Gange ; mais ce fut seulement en 18555 qu’une première ligne fut concédée entre Madras et Bombay. La répugnance des capitalistes à s’engager dans une entreprise aussi chanceuse amena en 1853 lord Dalhousie à poser en principe la garantie de 5 pour 100 comme minimum d’intérêt en faveur des actionnaires. Dès ce moment, les capitaux affluèrent de toutes parts, et la construction des nouvelles lignes prit bientôt un tel développement que, d’après le Rapport officiel sur les chemins de fer dans l’Inde pour l’année 1875, le réseau mesure aujourd’hui 6,273 milles, soit environ 10,000 kilomètres, et l’ensemble des capitaux levés par les différentes compagnies s’élève à près de 2 milliards et demi de francs. Le total des intérêts que l’état a dû payer en raison de sa garantie dépasse actuellement 40 millions de francs. Il est vrai que le trésor pourra se rembourser de ces avances sur les bénéfices futurs des compagnies. En attendant, comme aujourd’hui le gouvernement peut emprunter à 4 pour 100, il a renoncé au système dispendieux de garantir les intérêts des compagnies privées, pour construire lui-même les tronçons nécessaires à l’achèvement du réseau. D’ailleurs,

  1. Voyez l’étude sur les Progrès matériels de l’Inde anglaise dans la Revue du 15 février 1875.