Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 16.djvu/627

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LA NOUVELLE
DEPRECIATION DE L'ARGENT

Lorsque parut, dans la Revue du 1er avril dernier, l’étude relative à la question de la monnaie d’argent[1], nous ne prévoyions pas qu’il dût y avoir lieu de revenir à bref délai sur ce sujet délicat ; mais les événemens ont marché avec une vitesse inaccoutumée, et que pouvons-nous faire que de les suivre ? Nous nous proposons donc aujourd’hui d’examiner les incidens survenus depuis quatre mois et qui sont d’une gravité peu commune. Le premier est une délibération du sénat du 13 au 23 juin, touchant la fabrication des pièces de 5 francs, délibération où il a été prononcé de bons discours et proclamé d’utiles vérités, mais où aussi il a été fait de grands efforts, spécialement par le rapporteur, pour embrouiller la question et la rendre inintelligible. La loi votée n’est certes pas mauvaise en soi, à la condition de n’en pas séparer les commentaires donnés par le ministre des finances ; mais l’urgence du cas est tellement criante que déjà au moment du vote il y avait lieu de faire plus, et, quoique depuis lors un mois à peine se soit écoulé, le projet voté est déjà vieilli. Aller au-delà est indispensable.

Le second incident est la baisse nouvelle et précipitée que l’argent a subie depuis un mois environ. Quand la question de la

  1. Il est bon de rappeler ici que la véritable monnaie française d’argent, la seule dont nous parlions ici, se compose exclusivement des pièces de 5 francs. Les autres pièces d’argent, de 2 francs à 20 centimes, sont du billon, parce que dès l’origine de leur émission elles ont eu une valeur nominale supérieure à leur valeur intrinsèque. Au lieu de les faire au titre de 900 millièmes de fin comme les pièces de 5 francs, depuis 1857 pour celles de 50 centimes et depuis 1865 pour les autres, on en a retiré une partie de l’argent, et leur titre est seulement de 835 millièmes. En conséquence, elles ne passent dans les paiemens, de même que celles de bronze, que pour une somme limitée, et l’état s’en réserve l’émission, qui, par la soustraction d’une partie de l’argent, est lucrative : elle donne un profit de 7 pour 100. Ce billon d’argent est et sera toujours indispensable pour les appoints et les menues transactions de la vie courante.