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déprédation de l’argent fut soulevée dans l’enceinte du sénat par une proposition de l’honorable M. de Parieu, qui poursuit le redressement de notre système monétaire avec la plus louable persévérance, — c’était au mois de mars, — la valeur de l’argent rapportée à l’or était fort différente déjà de celle qu’il a plu à quelques personnes d’imaginer, et d’ériger en principe souverain et éternel. L’écart était d’environ 10 pour 100, proportion énorme ; mais au mois de juin, quand le sénat délibérait, il était de près de 15 : dans les premiers jours de juillet, il dépassait quelque peu 20 pour 100, et depuis il s’est accentué davantage. Le métal argent est donc présentement dépouillé de l’avantage qui lui avait fait attribuer, concurremment avec l’or, la fonction monétaire. Celle-ci suppose dans la substance qui en est investie une remarquable fixité de valeur. Un métal qui, dans l’espace de quelques mois, se déprécie de 10 pour 100 devient par cela même impropre à faire de la monnaie.

Le troisième incident sur lequel se porte justement l’attention des hommes d’état, des financiers et des hommes d’affaires est la publication toute récente du rapport d’un comité chargé par la chambre des communes d’Angleterre d’approfondir, par la voie d’une enquête, le sujet de la baisse de l’argent, d’en rechercher les causes et les effets. Ce n’est pas que l’Angleterre elle-même puisse directement être affectée de la dépréciation à un degré sensible. En Angleterre, l’argent ne joue dans la monnaie qu’un rôle effacé et subalterne : il n’y a de monnaie réelle que les pièces d’or ; toutes celles d’argent sans exception sont, comme en France les pièces d’argent au-dessous de 5 francs, du billon pur et simple que le débiteur ne peut contraindre le créancier à recevoir au-delà du montant de 2 livres sterling (50 francs). Le système monétaire est le même dans la plupart des colonies et possessions extérieures de l’Angleterre ; mais par exception, en vertu de traditions séculaires, l’empire indien, qui contient 200 millions d’habitans, est au régime de la monnaie d’argent, et la dépréciation de ce métal y a déterminé une perturbation profonde. Le comité d’enquête a fait comparaître devant lui les personnes de l’Angleterre qu’il a jugées les plus compétentes. Par les agens du gouvernement britannique, il a cherché et obtenu des renseignemens précis sur ce qui a pu se passer relativement à son objet dans le sein des principaux états de l’Europe et dans l’Union américaine. La France lui en a fourni son contingent. Le comité a produit ainsi un rapport fort intéressant à tous égards. Il paraît que le soin de le rédiger a été confié à M. Goschen, financier éminent, qui avait un portefeuille dans le dernier cabinet Gladstone. La conclusion principale est consignée dans les lignes suivantes qui le terminent :