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ainsi qu’un saint Michel destiné à exterminer la révolution. La Turquie ne rendit point les fugitifs, elle se contenta de s’en faire le geôlier pendant les deux années qu’ils furent internés à Kutayeh ; mais la Russie et l’Autriche durent céder : le flacon de sels avait produit son effet, et Palmerston put se flatter d’avoir fait échec du même coup à l’Autriche et à la Russie.

Il s’était essayé contre un géant, il ne dédaigna pas de se mesurer le moment d’après contre un nain. Toute l’Europe fut un moment remuée par la méchante affaire de don Pacilico. Ce personnage était un juif de Gibraltar, établi en Grèce, dont la maison avait été pillée par une bande de coquins, à la tête desquels étaient les fils d’un ministre de la guerre. Palmerston se lassa de faire des réclamations inutiles en faveur de ce sujet anglais ; il ordonna à l’amiral Parker de s’arrêter à Athènes en revenant des Dardanelles, et invita M. Wyse à profiter de la circonstance pour obtenir le règlement définitif de toutes les réclamations anglaises. « Vous vous embarquerez sur la flotte avant que l’amiral ne prenne des mesures hostiles, pour vous préserver vous-même et votre mission contre toute insulte. L’amiral commencera naturellement par des représailles, c’est-à-dire il prendra possession de propriétés grecques ; mais le roi serait sans doute indifférent à la confiscation de quelque propriété marchande, et ce qu’il y aura par conséquent de mieux à faire sera de mettre la main sur sa petite flotte, si cela peut se faire dextrement. L’action consécutive sera le blocus des ports, et si cela ne suffit pas, vous et Parker prendrez telles mesures que vous jugerez nécessaires, quelles que soient ces mesures. »

L’amiral ne fut pas contraint d’aller jusqu’au bout de ce programme : il s’empara des vaisseaux qu’il trouva dans le Pirée. M. Thouvenel, en apprenant cette nouvelle, appela l’escadre française à Athènes, mais l’amiral n’obéit pas à son injonction et attendit les ordres de Paris. Le roi Othon demanda le baron Gros pour servir de médiateur ; Palmerston accepta ses bons offices : « C’est un aussi bon choix que les Français aient pu faire ; » pour Thouvenel, écrit-il à Wyse, « il continue qualis ab incepto processerat, et agit aussi ridiculement, avec autant d’impertinence et d’hostilité que ses facultés intellectuelles le lui permettent ; » Othon n’est que « l’enfant gâté de l’absolutisme. » Il fallait que Palmerston fût bien assuré de la complaisance du prince-président, car il ne ménage plus personne ; il n’a que des sarcasmes pour Brunnow, pour M. Getto, le ministre de Bavière, pour la princesse Liéven ; il représente le « parti russe » coalisé contre lui avec la « clique orléaniste, » pour plaire au président Louis-Napoléon. Il obtint une satisfaction à peu près complète, et il ne lui resta plus qu’à rendre compte de sa conduite devant la chambre des communes. Ce fut