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l’occasion de son plus grand triomphe oratoire. Les lords avaient voté une résolution où ils exprimaient le regret « que diverses réclamations faites contre le gouvernement grec, douteuses au point de vue de la justice et exagérées dans leur chiffre, eussent été appuyées par des mesures coercitives dirigées contre le commerce de la Grèce et de nature à compromettre la continuation des rapports pacifiques avec les autres états. Palmerston maintint le droit absolu du gouvernement anglais ; il fit la théorie du civis romanus sum : partout où la justice était inefficace à protéger les droits d’un Anglais, l’Angleterre pouvait substituer son action à une action manifestement injurieuse. Élevant ensuite le débat, il parla des rapports de l’Angleterre et de la France ; il se défendit contre ceux qui l’accusaient d’avoir été mal inspiré par ses haines envers M. Guizot et d’avoir précipité la chute de la monarchie constitutionnelle en France. « C’est, assure-t-on, ma haine contre M. Guizot, née des mariages espagnols, qui a renversé son ministère et avec lui le trône de France ! Que diront les Français quand ils apprendront cela ? Que dira cette nation noble et fière, pleine du sentiment de sa dignité et de son honneur, quand elle saura qu’il est au pouvoir d’un ministre anglais de culbuter son gouvernement et sa monarchie ; » puis, tournant ces argumens à son profit, il ajoutait : « Si le peuple français avait pensé qu’une coalition de conspirateurs étrangers cabalait contre un de ses ministres, et cela pour la seule raison qu’il avait défendu, comme il les comprenait, les intérêts et la dignité de son propre pays, s’il avait pu penser que cette coalition de conspirateurs étrangers avait des complices en France, je dis que le peuple français, cette nation brave, noble et courageuse, aurait méprisé les intrigues de cette cabale et se serait serrée autour de celui contre lequel eût été formé un tel complot. » L’allusion était bien transparente : il ne s’agissait plus en réalité de M. Guizot, ni de la France. Cette coalition, c’était celle de tous les ennemis étrangers ou anglais de lord Palmerston, confondus avec les ennemis de l’Angleterre.

Jamais la popularité de Palmerston n’avait été plus grande ; il avait battu tous les conservateurs, unis aux radicaux, appuyés par la diplomatie européenne ; mais il ne savait pas triompher avec grâce, et l’on regrette pour sa mémoire des lignes comme les suivantes, écrites à son frère peu après sa victoire : « La mort de Louis-Philippe me délivre de mon ennemi le plus habile et le plus invétéré, dont la position lui donnait en bien des manières le pouvoir de me nuire, et, bien que je sois fâché de la mort de Peel, parce que je le regrettais et que c’est certainement une perte pour le pays, en tant qu’il s’agit de ma position politique, je crois qu’il n’a jamais été disposé à me rendre un bon office. » Le bon goût ne fut jamais un attribut de lord Palmerston : il était ce que les