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malgré tout, si le vote matériel a été pour la loi, le succès moral reste à M. Bocher, qui a montré ce que pourrait un vrai parti conservateur évitant de se compromettre dans des résistances dangereuses pour garder toute son autorité dans les momens décisifs, soutenant le ministère contre ses propres tentations de complaisance, maintenant les traditions de gouvernement et au besoin défendant la république contre les républicains.

Si l’on croit en effet que la république n’est menacée que par le bonapartisme ou le cléricalisme, comme le disent quelques radicaux dans un manifeste qu’ils viennent d’adresser à leurs électeurs, c’est une erreur singulière ; aujourd’hui qu’elle existe et qu’elle n’a plus après tout qu’à se maintenir, elle est encore plus menacée par ceux qui en feraient un système étroit, exclusif, violent, un gouvernement de parti. Elle peut avoir quelquefois la vie difficile au sénat, elle a peut-être la vie trop facile à la chambre des députés, où il arrive assez souvent qu’on ne se refuse rien sous prétexte qu’on est la majorité, et où l’on croit être quitte de tout pour se couvrir d’un semblant de modération en accusant les autres de soulever des conflits. Il ne faut pourtant pas s’y méprendre : s’il y a des difficultés, elles viennent pour le moins autant de la chambre des députés que du sénat, et le budget qui vient d’être discuté et voté en partie dans la seconde chambre, qui a occupé la fin de la session, ce budget pourrait bien, après les vacances, rencontrer plus d’une contradiction trop justifiée. La commission du budget, qui est au travail depuis cinq mois, a pris sa tâche au sérieux, on n’en peut pas douter. Elle a fait son siège en règle : elle a dépouillé des documens, épluché des chiffres, déplacé ou divisé des chapitres, supprimé des crédits, diminué ou augmenté d’autres dépenses, et lorsqu’il s’agit de l’instruction publique, elle n’a fait que répondre à un sentiment universel en donnant à M. Waddington les moyens de perfectionner notre enseignement. Quant au budget de la guerre, qui paraît être l’œuvre de prédilection, l’œuvre de maître de la commission et surtout de son impétueux rapporteur, M. Langlois, c’est une autre question. Nulle part peut-être n’éclate avec plus d’ingénuité redoutable l’esprit que porte dans les affaires une majorité aussi inexpérimentée que passionnée.

Que la commission du budget, placée en présence de ce formidable chiffre de 530 millions et plus qu’absorbe à lui seul M. le ministre de la guerre, ait tenu à se demander si cet argent prélevé sur le travail du pays est toujours employé comme il doit l’être, de façon a relever réellement la puissance militaire de la France, — qu’elle ait donné pour ainsi dire la chasse aux dépenses parasites et inutiles, assurément elle est dans son droit et dans son devoir. Que par une préoccupation patriotique elle ait cherché dans cette forêt de millions de quoi laisser ce qu’on appelle la seconde portion du contingent une année entière au