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des fleurs, nous n’accusons pas la nature d’imperfection, parce que nous pensons que la sève va se reporter sur des fruits précieux. Ainsi en est-il pendant la durée des âges : ici se montre un organe en apparence chétif et inutile, là se détruit un organe qui semblait fécond, mais ces naissances, ces atrophies ou hypertrophies ne sont que les évolutions par lesquelles le divin artiste conduit à bien toute la nature.

Il est difficile de douter que nos éléphans actuels aient été dérivés des éléphans fossiles et qu’à leur tour ceux-ci aient été dérivés de leurs prédécesseurs, les mastodontes. C’est d’après la forme des molaires qu’on a distingué les mastodontes des éléphans : dans les premiers, ces dents rappellent le type omnivore des cochons ; elles sont formées de gros mamelons couverts d’une épaisse couche d’émail, de telle sorte qu’elles ont pu broyer les corps les plus durs ; au contraire, chez les éléphans, les molaires, composées de collines très nombreuses et amincies au point d’avoir la forme de lames, sont disposées pour un régime herbivore ; mais, grâce surtout aux recherches de Crawfurd et de Falconer dans l’Inde, on connaît maintenant un grand nombre d’espèces fossiles de mastodontes et d’éléphans qui établissent une série d’intermédiaires entre les formes extrêmes des molaires ; la meilleure preuve que certaines espèces de proboscidiens fossiles de l’Inde font la transition entre les deux genres, c’est qu’une même espèce a été rapportée par d’habiles naturalistes tantôt à l’éléphant, tantôt au mastodonte.

Comme les animaux qui se nourrissent de végétaux, ceux qui vivent principalement de chair et que pour cette raison on appelle les carnivores ont été précédés dans les temps géologiques par des espèces dont la ressemblance est assez grande pour permettre de les regarder comme leurs ancêtres. La paléontologie nous montre des liens intimes entre les chats, les chiens, les ours, les civettes, les hyènes, les martres fossiles et les espèces actuelles. En outre, elle nous révèle des traits d’union entre quelques-uns de ces genres qui sont aujourd’hui très séparés les uns des autres. Par exemple, les ours des temps actuels diffèrent des chiens à bien des égards : ils sont plantigrades, et la grandeur de leurs dents tuberculeuses indique leur régime plutôt omnivore que Carnivore ; mais il y a eu, à l’époque tertiaire, des chiens auxquels on a donné le nom d’amphicyon, qui étaient plantigrades comme les ours et dont les tuberculeuses présentaient plus de développement que dans les chiens de notre époque ; les amphicyons, qui étaient plus chiens qu’ours, ont été remplacés par un genre voisin, l’hyénarctos, plus ours que chien. L’animal auquel le savant naturaliste du Puy, M. Aymard, a donné la désignation de cynodon était un