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ainsi à propos de l’empereur Napoléon III et de ses atermoiemens. Tout ce que le gouvernement du 16 mai a peut-être gagné avec le temps qu’il s’est donné et qu’il emploie si bien, lui aussi, c’est d’avoir l’occasion et la tentation de « bien des fautes » qu’il aurait pu s’épargner, qui ne conspirent point absolument en sa faveur.

Le ministère, en allant jusqu’à la dernière limite des délais constitutionnels et même au-delà, a cru sans doute déconcerter ou lasser ses adversaires et s’assurer à lui-même les moyens de mieux préparer sa victoire par les remaniemens administratifs, par une sorte de mobilisation de tout un personnel de combat, par l’action intense et multiple du gouvernement. Il a pensé qu’à prendre quelques mois il n’y avait qu’avantage et que le temps, selon le mot anglais, était de la « monnaie » électorale à son profit. Il n’a pas calculé que cette temporisation pouvait être aussi un piège pour lui, ne fût-ce que par les fautes qu’il se donnait le loisir de commettre, par lui-même ou par ses agens. Il ne s’est pas aperçu qu’en entrant aussitôt, comme il l’a fait, dans une voie de poursuites judiciaires et de tracasseries administratives à tout propos il risquait d’exciter l’opinion sans la dominer et de se laisser entraîner à des excès de répression ou de tomber dans la puérilité. Le ministère n’a pas vu enfin que par un ajournement mal combiné il suspendait tout, il compliquait et aggravait tout, il allait gratuitement au-devant de ces irrégularités et de ces difficultés inextricables dont la dernière session des conseils-généraux est un des plus singuliers exemples. Voilà un des résultats, et il est certes des plus curieux. Tout s’est passé, bien entendu, aussi pacifiquement que possible, sauf quelques vivacités de langage entre les préfets et quelques têtes chaudes des 363 qui sont dans les assemblées de départemens ; de tout cela, il ne reste qu’un incident qu’on peut bien appeler un modèle de gâchis politique et administratif, qui peint malheureusement notre situation.

Qu’est-il arrivé en effet ? C’est au lendemain du 15 août que les conseils-généraux se réunissent de droit, et ils se sont réunis cette année comme ils se rassemblent toujours. Seulement pour cette fois le principal objet de délibération manquait : le dernier parlement n’a pas voté pour 1878 les contributions directes que les assemblées départementales sont chargées de répartir dans leur session du mois d’août. C’est la faute de la chambre des députés, qui n’a pas voulu voter cette partie du budget, s’écrient les amis du ministère et quelques préfets trop zélés qui semblent lier la dissolution à ce refus ! Cette malheureuse chambre, dans sa courte existence, n’a point été assurément exempte de fautes ; il n’est pas moins vrai qu’on fait ici peser sur elle une équivoque. Ce n’est nullement parce qu’elle a refusé le budget qu’elle a été dissoute. Lorsque la proposition des contributions directes a été soumise à la sanction parlementaire, la dissolution, inspirée et