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confidentielle dont le secret n’a pu venir jusqu’à nous. L’un d’eux, le prêtre, devait tomber à l’abattoir de la rue Haxo.


III. — LA MORT DES OTAGES.

À quatre heures, « la récréation » dut prendre fin. Les otages furent reconduits dans leur section, mais la porte de leur cellule ne fut fermée qu’à six heures, au moment du « bouclage » réglementaire de la prison ; ils purent donc encore rester ensemble. Pendant leur promenade, ils avaient attentivement prêté l’oreille aux bruits du dehors, et c’est à peine si quelques lointaines détonations d’artillerie étaient parvenues jusqu’à eux. On était au mardi 23, et la bataille ne se rapprochait guère de la Roquette. Un surveillant leur avait dit : « Le dernier quartier-général de l’insurrection sera nécessairement Belleville, il faut prendre patience et courage ; la grande lutte sera autour de nous. » Les otages avaient fait l’expérience de leur nouvelle demeure et du système auburnien, qui laisse les détenus en commun pendant le jour et les isole pendant la nuit. Pour eux, c’était une grande amélioration. Le matin, on avait remis à chacun d’eux une écuelle avec laquelle ils avaient été à la distribution des vivres ; ils avaient reçu leur portion de « secs, » comme l’on dit dans les prisons, c’est-à-dire de légumes délayés dans de l’eau. Tant bien que mal, après avoir avalé leur pitance, ils s’étaient endormis l’estomac léger et la conscience en paix.

Le lendemain, 24 mai, dans la journée, un surveillant leur dit : « Il y a du nouveau, toute la clique de la commune est à la mairie du XIe arrondissement. » Or cette mairie est située place du Prince-Eugène, au point d’intersection du boulevard Voltaire et de l’avenue Parmentier, à 200 mètres à peine de la Roquette : c’était un mauvais voisinage. En effet, la veille, dans la soirée, la commune et le comité de salut public avaient tenu leur dernière séance à l’Hôtel de Ville. On avait décidé d’évacuer le vieux palais populaire et de transporter « le gouvernement » au pied même de Belleville, à l’abri de la colline du Père-Lachaise, non loin des portes d’Aubervilliers et de Romainville, qui permettraient peut-être de tenter une fuite sur la zone neutre occupée par les Allemands. Les trois services importons, la guerre, la sûreté générale, les finances, s’étaient donc installés dans les salles de la mairie du XIe arrondissement. C’est là que Ferré était accouru, après avoir fait fusiller George Vaysset et n’avoir pas réussi à faire tuer d’autres détenus du dépôt. C’était peu d’évacuer l’Hôtel de Ville, il fallut l’incendier. On ne faillit point à ce grand devoir révolutionnaire. Quatre bandits que nous avons déjà nommés, G. Ranvier, Hippolyte Parent, Pindy, Dudach,