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tombait d’elle-même avec les droits pécuniaires qui la représentaient, — le droit de pulvérage, droit sur la poussière, etc.

Les principaux de ces droits considérés comme serviles ou quasi serviles étaient les banalités et les corvées. Les corvées étaient, on le sait, des prestations de travail gratuites que le vassal devait au seigneur pour l’entretien des routes. Les banalités consistaient dans l’usage obligatoire du moulin, du four, du pressoir seigneurial, avec interdiction de construire des moulins, des fours et des pressoirs. Mais ici de graves difficultés s’élevaient encore. Toutes les corvées, toutes les banalités devaient-elles, sans exception, être abolies sans rachat ? Beaucoup le disaient ; Merlin était d’un avis contraire. Il fallait distinguer d’abord, selon lui, entre les banalités réelles et les banalités personnelles. Pour distinguer les droits réels des droits personnels, il faut considérer, non la substance de la chose, ni la nature de la personne, mais la cause de l’obligation. Peu importe que ton paie en argent ou en travail, si le prix représente une concession de fonds ; dans ce cas, les banalités et les corvées sont de véritables propriétés pour les seigneurs, et doivent être rachetées. Quant aux banalités et corvées personnelles, il y a encore lieu à distinction : ou elles ont été extorquées par la force, ou elles sont le résultat de contrats librement consentis. Dans le premier cas, l’abolition est de droit. Dans le second cas, nouvelle distinction : ou bien le contrat a pour objet le rachat du servage, et dans ce cas l’abolition aura lieu sans indemnité ; ou bien les banalités sont de véritables conventions, et ont été établies par le seigneur dans l’intérêt des habitans moyennant un droit de péage : un tel contrat n’a rien de contraire à la liberté naturelle. En conséquence, Merlin proposait le rachat des banalités réelles et conventionnelles. Mais comment les reconnaître ? La règle proposée était celle-ci : il faut partir du principe que la banalité (à part toute convention) est une servitude personnelle. C’est ce qui est en effet établi par une multitude de chartes d’affranchissement. Ce principe général posé, c’est au seigneur à faire la preuve des exceptions : toute banalité de laquelle on n’aura pas prouvé qu’elle est le prix d’une concession de fonds sera abolie sans rachat.

Ainsi, ni la justice, ni la mainmorte ne constituait à proprement parler la féodalité ; aucun de ces droits n’était rigoureusement au nombre des droits féodaux. Qu’étaient-ce donc que les droits féodaux ?

Les droits féodaux reposaient exclusivement sur le contrat de fief ou inféodation, lequel était censé avoir toujours été à l’origine une concession libre de fonds, faite en retour de certains services. Ces concessions étaient de deux sortes ; ou bien la terre avait été donnée