Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 23.djvu/574

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

retard leur souscription au citoyen Ollivier, à son débit de liqueurs, 94, West Houston street.

Non-seulement l’Internationale tient à justifier son nom et à ne pas devenir exclusivement américaine ; mais, pour assurer son recrutement, elle n’hésite pas à faire appel aux sentimens et aux prédilections des émigrans de chaque pays. Ainsi elle est partagée en trois sections qui, tout en obéissant à la même autorité et en recevant la même direction, ont la nationalité pour base, et ont leurs comités et leurs dignitaires distincts. Ce sont la section allemande, la section anglaise, qui comprend aussi les Irlandais et les Américains, et enfin la section bohémienne, qui serait plus justement appelée la section slave, puisqu’elle comprend tous les adhérens de nationalité et d’origine slave, et que les Polonais y ont l’influence prépondérante. Les ouvriers français sont trop peu nombreux aux États-Unis pour former une section à part ; ils sont englobés dans la section anglaise.

Les états de l’ouest, où affluent de préférence les émigrans allemands, ont été le berceau de l’Internationale : c’est là aussi qu’elle a pris le développement le plus rapide et qu’elle compte le plus grand nombre d’adhérens. Chicago parait être sa capitale : c’est là du moins que siège le comité directeur, dans lequel les trois sections sont également représentées. La Fédération fait de grands efforts pour s’étendre dans les états riverains de l’Atlantique ; mais elle y a trouvé le terrain occupé dans toutes les villes industrielles par les trades-unions ou par les sociétés de secours mutuels, et dans la Nouvelle-Angleterre, elle a eu à lutter contre le sentiment religieux.

Le premier caractère de l’Internationale, en effet, est d’être profondément hostile à toute idée religieuse ; elle ne s’en prend point à une communion en particulier, elle repousse indistinctement toutes les formes et toutes les sectes du christianisme, et proscrit toute espèce de culte. Les livres de Büchner, abrégés, commentés et réimprimés à l’infini, sont son évangile, le matérialisme est sa philosophie, l’athéisme est sa foi religieuse.

Le second caractère de l’Internationale est de rejeter au second plan les questions politiques, et de les subordonner complètement aux questions économiques. Le congrès, par la délégation qu’il tient de la nation, règle souverainement toutes les questions de l’ordre politique : il doit assumer et exercer la même souveraineté dans l’ordre économique. La souveraineté nationale, dont il est le représentant et le mandataire, n’a point de limite ; on ne saurait lui opposer aucune loi, aucune institution comme soustraite à son action. Le législateur s’est contenté jusqu’ici de faire des lois pour assurer la jouissance et la transmission de la propriété et du capital : il a