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antiques. Naples, Gênes, Venise, le pape, l’ordre de Malte, eurent des galériens pour ramer sur leurs galères ; la France eut aussi les siens, et plus la puissance maritime de ces états s’augmentait, plus il fallait à la chaîne de malheureux pour ramer. Sur les galères de notre flotte au XVIIe siècle, il y avait ordinairement trois cents rameurs par galère. On employa dans le principe des matelots, mais, quand on y substitua des forçats, c’est-à-dire des hommes condamnés à cet abrutissant labeur par un arrêt de la justice, afin d’empêcher qu’ils prissent la fuite ou se révoltassent, on enchaîna chacun d’eux à sa place de rameur. Il y en avait par banc cinq ou six, qui ne faisaient mouvoir qu’une seule rame appuyée sur une lisse saillante au-dessus du pont, de chaque côté duquel les bancs étaient disposés. Un plancher étroit dit coursier séparait les bancs de bâbord de ceux de tribord, il servait de passage pour communiquer de l’arrière de la galère à l’avant. C’est sur ce coursier plus élevé que les bancs que se promenait le comité, chargé de surveiller les chiourmes le fouet à la main ; les insubordonnés étaient punis avec une cruauté inouïe. Les forçats n’étaient déchaînés ni pour dormir ni pour manger, et ne mangeaient et ne dormaient qu’à tour de rôle afin que la marche de l’embarcation ne se ralentît jamais. C’était seulement de retour au port que les forçats pouvaient obtenir quelque repos, quand on les employait aux travaux des chantiers et des arsenaux. Un galérien tentait-il d’échapper par une mutilation volontaire à ce labeur incessant, il encourait la peine de mort : ainsi le prescrit la déclaration de 1677. Une si horrible condition semblerait n’avoir dû être le châtiment que des plus grands criminels ; il n’en était rien pourtant. On y condamna d’abord, au XVIe siècle, les vagabonds, les gens sans aveu ramassés dans les villes et sur les grandes routes. On tenait alors les galères pour des espèces de work-houses, pour des dépôts de mendicité ; elles rappelaient les présides, établis en Espagne, et sur la côte d’Afrique, et fort analogues à ce que sont dans notre Algérie les compagnies d’hommes condamnés au boulet. Les forçats retenus dans les présides de Ceuta, de Melita, de Penon de Velez, portaient comme les nôtres de lourdes chaînes et traînaient un pesant boulet. On a cité un riche Espagnol condamné aux présides qui parcourait les rues en traînant un boulet et des chaînes d’or. Mais en France les gentilshommes, qui étaient condamnés à cette servitude pénale, obtenaient presque toujours une commutation de peine. Sous Charles IX, on envoya aux galères ceux des mendians qui étaient les plus récalcitrans et ne voulaient pas se laisser enfermer à l’hôpital, établissement qui servait alors de dépôt de mendicité, car la mendicité était regardée à cette époque, où elle alimentait, plus encore que de nos jours, les classes dangereuses, non pas seulement comme un délit, mais presque comme un