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annexions, nous les subissions. Malheureusement Tu-Duc, notre adversaire, n’était point encore abattu malgré ses échecs successifs. Pour la troisième fois il réorganisait la lutte qu’il persistait à soutenir avec son armée toujours battue, mais toujours dévouée, et bien différente de cette prétendue cohue indisciplinée qu’on nous avait si bénévolement représentée comme facile à détruire. L’empereur d’Annam ne refusait rien à ses troupes : armes, habillemens, artillerie, provisions de toute sorte leur étaient prodigués dans cette province de Bien-hoa qui flanquait notre territoire à droite, comme celle de Mytho l’avoisinait à gauche. Tu-Duc avait hérissé Bien-hoa de défenses de tout genre. Était-il prudent de supporter à nos côtés cette agglomération d’ennemis et de moyens offensifs ? Une sorte de fatalité nous poussait donc à de nouvelles hostilités ; le gouverneur en accepta la nécessité. Dans un rapport adressé au ministre, il décrivait les obstacles accumulés pour arrêter sa marche et dont il n’avait pu laisser subsister la menace à nos portes. « À deux lieues de Saïgon, disait-il, entre la rivière de ce nom et celle de Bien-hoa, il existait un camp retranché, défendu par 3,000 hommes de troupes annamites. La rivière de Bien-hoa était obstruée par neuf solides barrages en bois, et un peu plus haut par une estacade en pierre. Au-dessous d’un autre barrage existait un obstacle de 1,000 mètres de développement, composé de pilotis solides, plantés à moins d’un pied de distance les uns des autres. Toutes ces estacades étaient soutenues par des forts garnis de canons et de parapets. Des brûlots étaient préparés par l’ennemi. » Une action vigoureusement engagée nous rendit maîtres de cette province sans pertes notables. Les Annamites laissèrent, dit-on, 1,500 hommes sur le terrain, ce qui prouva l’énergie de leur défense ; mais ils furent obligés d’évacuer la province et de nous la livrer tout entière. On fit un certain nombre de prisonniers : « tous étaient parfaitement vêtus, continuait le commandant en chef, et ils portaient un uniforme presque élégant. »

C’était le coup de grâce ; l’armée annamite était dispersée, anéantie, et Tu-Duc se voyait obligé de demander la paix. On fut trop heureux d’accueillir sa requête. Un traité fut conclu, signé et ratifié, de bonne foi sans doute en ce qui nous concerne, car il semblait devoir nous permettre de consacrer désormais nos soins exclusifs à l’administration des trois provinces que nous avions conquises involontairement et dont la cession était enfin consentie. Mais la suite devait prouver que nous n’étions plus les maîtres d’enrayer le cours des événemens. Certes le traité n’avait pas été ratifié sans regret ni sans arrière-pensée par le gouvernement annamite. Ce qui le prouva, ce fut l’envoi immédiat d’une ambassade cochinchinoise en France : elle venait offrir de racheter les trois provinces au