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l’émissaire répondait d’ailleurs par elle seule à toutes les critiques.

Si cette explication est juste, nous savons maintenant, ce qu’il faut entendre dans le récit de Tacite par les mots opus et specus. L’historien a d’abord voulu dire qu’on reprochait à Narcisse d’avoir placé trop haut, par une prétendue négligence, le radier du bassin hexagonal. Il a voulu rappeler ensuite que, dans le bref délai qui sépara les deux inaugurations, Narcisse fît creuser par-dessous ce même bassin. On peut être d’avis qu’écrivant près d’un demi-siècle après, et sans avoir été témoin oculaire, il ne s’est pas exprimé d’une manière précise ; voilà du moins les circonstances, mal connues de lui-même, auxquelles il a fait allusion.

Nous avons encore à expliquer ce qu’il mentionne à propos de la seconde inauguration. Le commentaire paraît ici plus facile, car, tandis que les constructions antiques auxquelles nous venons de nous référer ont disparu dans les constructions modernes et ne se retrouvent plus que dans les dessins de nos ingénieurs, on n’a au contraire qu’à visiter aujourd’hui encore les travaux du Fucin pour retrouver la trace subsistante de l’accident survenu il y a dix-huit cent vingt-cinq ans. Voici très probablement ce qui eut lieu. Le bassin hexagonal était devenu inutile, puisque l’eau ne devait plus couler que dans un canal pratiqué en dessous de ce bassin. Narcisse, sur qui pesait la nécessité d’amuser un maître afin de mater une cour hostile, s’avisa de faire dresser par-dessus, avec des charpentes, un échafaudage du haut duquel on verrait l’eau du canal s’engouffrant dans le puits en amont. Il y plaça les spectateurs ; mais une faute avait été commise : la vanne de sûreté placer à l’entrée du puits était mal située pour régler l’écoulement, et soutenir le premier choc. Les eaux la rompirent, ne suivirent pas la route qu’on leur avait ouverte, allèrent renverser la partie supérieure du mur qui séparait le bassin trapézoïde du bassin hexagonal, et refluèrent avec impétuosité dans celui-ci, qui était tout encombré par les étais du pavillon impérial. MM. Brisse et de Rotrou ont donné dans leur atlas le dessin de ce mur, avec la réparation antique très nettement marquée, et il est facile au visiteur actuel de l’apercevoir de la plaine même du Fucin, par une ouverture qui laisse à découvert une portion de l’ancien bassin hexagonal.

Il est toujours intéressant de pouvoir proposée un commentaire de plus aux récits d’un écrivain tel que Tacite ; d’autant plus qu’il s’agit d’une page historique, importante à plusieurs égards, sur laquelle on n’avait jusqu’à présent aucune vraie lumière, et que viennent éclairer les témoignages des monumens. MM. Brisse et de Rotrou ont donc rendu un double service, en faisant connaître ces monumens, et en donnant leurs conjectures sur la comparaison avec les textes.