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pourront se taire devant la force, mais, comme l’a dit Rojas : « L’homme au cœur altier et généreux — pliera le front devant l’adversité, — plutôt que le genou devant le puissant. » Si tel est l’état des esprits parmi les personnes les plus modérées du pays, quelles ne doivent pas être la colère et l’exaspération dans les rangs du peuple où la réflexion ne vient point calmer les violences du sentiment ? On ne s’étonnera donc pas que plusieurs entre les plus ardens cherchent déjà dans une nouvelle guerre civile qui rapprocherait tous les Basques, absolutistes ou libéraux, le remède à une situation qu’ils jugent pour eux intolérable. Là encore je citerai les propres paroles d’un témoin : « Hélas ! l’avenir s’annonce sous de sombres couleurs. Carliste, républicain, cantonaliste même, tous les partis semblent désormais sympathiques aux Basques pour regagner ce qu’ils ont perdu ; peut-être suivraient-ils de meilleur cœur encore le drapeau séparatiste. C’est une guerre de races qu’il y aura bientôt ici, si le gouvernement n’y prend garde. » voilà certes, de grades paroles et l’on peut se demander dans quelle mesure il est convenable de les divulguer ; mais quoi, le danger n’en existe pas moins parce qu’on refuse de le voir, et mieux vaut encore s’en rendre compte et s’efforcer de le prévenir ou de le détourner ! Du moment qu’on touche à leurs libertés, les Basques se regardent comme dégagés, de toute fidélité envers le gouvernement de Madrid, et cet n’est pas la première fois, sans oublier leur fameuse adresse à Philippe III, qu’ils songeraient pour se défendre ou se venger à rompre les liens qui les unissent à la couronne. Pendant la guerre contre la république française, quelques Guipuzcoans, désireux de jouir d’une indépendance absolue et persuadés que leur province, toute petite qu’elle est, pourrait former une république libre et souveraine avec l’appui de la France, avaient résolu de ne point s’opposer à l’invasion ; ils ouvrirent aux Français, déjà maîtres de Fontarabie, les portes de Saint-Sébastien, et, pour achever leur dessein, ils allaient, conformément au fuero, se réunir à Guetaria, quand le représentant de la convention, Pinet, que ces menées inquiétaient, donna ordre d’arrêter les chefs du mouvement et même de les juger comme rebelles. Quelque temps après, la paix fut conclue par le traité de Basilea, et l’Espagne, pour recouvrer les places que les Français occupaient dans le pays vasco-navarrais, dut céder la partie espagnole de l’île de Saint-Domingue. Pourtant les officiers républicains semblent avoir caressé un moment l’idée de détacher ces provinces du domaine espagnol ; l’adjudant-général Lamarque écrivait à Moncey, le 17 thermidor an III : « La députation d’Alava montre toujours la meilleure volonté ; je vous dirai entre nous que les gens de ce pays me semblent redouter la paix plus qu’ils ne la désirent ; ils craignent qu’oubliés entièrement dans le traité, ils ne