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formidable puissance, tout dépend de la force des machines et de la vitesse qu’on leur donne. L’appareil de Nollet n’atteint pas plus de 250 becs carcel. Celui de M. Lontin permet de produire à la fois jusqu’à 16 courans qui peuvent chacun allumer un régulateur distinct valant environ 80 ou 100 becs ; enfin, avec la bougie Jablochkof, on descend aisément jusqu’à 50. On verra plus loin que cette limite peut encore être abaissée.

Mais ce n’est pas seulement au point de vue de la quantité qu’il faut comparer les diverses lumières. Accumulez autant de lampes que vous le voudrez, vous ne ferez jamais le rayonnement éblouissant de l’arc ou du soleil, il leur manquera toujours ce que l’on nomme l’éclat, qualité spéciale que nous allons chercher à définir. Si deux luminaires de même étendue envoient la même somme de lumière, ils ont le même éclat. Mais si l’un émet deux, trois ou cent fois autant de lumière que l’autre, on dit qu’il a deux, trois… cent fois autant d’éclat. On mesure donc l’éclat de divers foyers par la quantité de lumière qu’ils envoient à surface toujours égale. Par exemple l’éclat de la lune est inférieur à celui d’une bougie et incomparablement plus faible que celui du soleil. Pour augmenter la portée des phares, Fresnel a imaginé des lampes à mèches concentriques séparées par des intervalles où circule un courant d’air. On superpose jusqu’à 6 mèches, et l’on comprend que, celles du centre mêlant leur lumière à celles de l’extérieur, l’éclat total est augmenté. Il serait six fois égal à celui d’une mèche unique, si les flammes étaient transparentes ; mais M. Allard, dans un savant travail sur les phares, a prouvé qu’elles absorbent une partie des rayons qui cherchent à les traverser, et que l’éclat de 5 mèches n’est que trois fois celui d’une seule. Eh bien, M. Allard a reconnu que la lumière électrique est 255 fois aussi éclatante que 5 mèches de phare, et 600 fois autant qu’une seule, ce qui la place comme qualité incomparablement au-dessus de nos flammes les plus brillantes.

Comparons-la d’autre part au soleil, qui est la limite supérieure de tous les éclats connus. Cette comparaison peut être faite de deux façons, par le rapport des temps qu’il faut mettre pour avoir des images photographiques égales avec l’arc et avec le soleil, ou bien par la mesure directe des éclairemens. MM. Fizeau et Foucault, par le premier procédé, trouvent que l’éclat du soleil n’est que deux fois et demie supérieur à celui de l’arc. Quant à la deuxième méthode, elle a prouvé que les charbons égalent l’éclat du soleil avec une machine énergique. C’est donc comme un fragment très petit de l’astre lumineux que les Titans modernes ont dérobé au ciel. Il est même probable qu’on dépassera cette limite, si ce n’est déjà fait ; et ce n’est point étonnant, si l’on considère que notre