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brochure est extraite des Annales des usines à gaz. Dans les deux camps, on exagère, les uns voulant conquérir, les autres garder une situation. La vérité, la voici : la compagnie Lontin offre de fournir tous les appareils, tous les fils, toutes les lampes, dont elle garde la propriété, et de vendre à forfait la lumière à raison de 50 centimes par heure pour 100 becs, à la condition toutefois d’un marché passé pour un nombre déterminé d’années et de becs. J’ai fait d’autre part une enquête officieuse, et l’un des propriétaires des magasins du Louvre m’a autorisé à dire que les appareils de la compagnie Denayrouse-Jablochkof, dont il a fait l’acquisition, lui donnent plus de lumière et 30 pour 100 d’économie sur le gaz.

Cela dit, il faut proclamer hautement que les deux éclairages ne sont point faits pour se nuire ou se faire concurrence. Rien dans le présent ni dans un prochain avenir ne peut menacer le gaz. Cette installation si merveilleuse et si complète, qui allume si vite et si bien nos rues avec cette petite veilleuse qu’on voit courir à la brune au bout d’un bâton, qui est partout présente et toujours prête, qui cuit le rôti et éclaire les convives, cette installation, dis-je, n’a de rivale et d’ennemie qu’elle-même, que le tarif élevé qu’a fixé pour son malheur et pour le nôtre un monopole regrettable. Elle a devant elle une immense proie à saisir, les maisons particulières à éclairer, les cuisines à chauffer et tout le système suranné des cheminées à remplacer. Voilà son avenir, et la compagnie du gaz peut être assurée que la lumière électrique ne l’y suivra pas. Que feront les quelques établissemens de luxe que la nouvelle lumière va conquérir et garder ? Rien autre chose que créer un plus grand besoin de lumière, auquel le gaz devra satisfaire ; loin d’y perdre, il y va beaucoup gagner ; loin de s’en plaindre, il fera bien de s’en réjouir. La querelle est la même qu’entre les ascenseurs et les escaliers. Mais, d’un autre côté, l’électricité a conquis sa place, et la première ; comptez qu’elle ne reculera pas, que les préjugés s’effaceront, que les habitudes de décoration et de toilettes se conformeront à ses harmonies, qu’elles y gagneront, et que nos petits-neveux, qui l’emploieront et plus souvent et mieux, nous plaindront de ne pas l’avoir connue, comme nous plaignons nos devanciers qui ont ignoré le gaz. C’est le propre des grandes découvertes d’être repoussées dans leur nouveauté avant d’être reconnues comme des bienfaits,


VI

Je viens de plaider en avocat convaincu la cause de la lumière électrique. J’ai prouvé qu’au point de vue scientifique elle est