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incomparablement supérieure à toute autre par sa quantité, par son éclat, par sa qualité ; il faut dire maintenant comment elle peut s’appliquer à l’éclairage public ou privé. L’éclairage est un art, et comme ses conditions varient suivant les besoins, les règles auxquelles il doit se soumettre changent à l’infini. Examinons un petit nombre de cas bien définis.

Lorsqu’on veut éclairer les abords d’une côte, on bâtit non loin du rivage une tour élevée sur laquelle on allume chaque soir un fanal électrique. Avec le secours d’appareils d’optique réglés par les savans calculs de Fresnel, on ramène d’abord dans la direction de l’horizon tous les rayons qui se perdent vers le ciel ou vers la terre ; puis on découpe ce plan de lumière en huit faisceaux parallèles dirigés perpendiculairement aux côtés d’un octogone, ce qui fait huit faisceaux contenant chacun le huitième de la lumière totale ; enfin, par un mouvement régulier de rotation, on les promène dans l’espace, passant en revue l’un après l’autre tous les points de la mer et montrant le port par des éclairs rapides et réguliers à tous les vaisseaux qui ne sont point au-dessous de l’horizon. Dans ce cas particulier, tous les efforts de l’ingénieur tendent à augmenter l’éclat du foyer et à prévenir son affaiblissement en empêchant la dispersion de sa lumière ; mais on commettrait la plus grande faute si l’on voulait imiter ce système pour l’éclairage des rues, et lancer, suivant leur longueur, un faisceau concentré par des réflecteurs. On l’a essayé bien des fois, et l’on n’a réussi qu’à aveugler les passans, tout en projetant derrière eux des ombres allongées, noires comme des précipices ouverts. Un journal prétendu scientifique annonçait il y a quelques jours pour la centième fois qu’il était question de placer au sommet du Panthéon un colossal foyer électrique pour illuminer Paris tout entier ; c’est une idée insensée. Admettons qu’on réussisse à donner à ce foyer, la valeur de dix mille lampes carcel, ce qui est au-dessus de toute possibilité actuelle. A la distance de 100 mètres, sur la place même qui précède le monument, ce fanal ferait tout juste l’effet d’une seule lampe placée à 1 mètre, et il se réduirait au centième de cette lampe à 1 kilomètre. On ne peut donc rien espérer d’un luminaire unique, si puissant qu’on le suppose.

Mais il est des cas où la concentration de la lumière, en certains points, est le seul but qu’on veuille atteindre. Tout le monde a vu dans les ateliers de cordonnerie de gros globes de verre remplis d’eau, suspendus tout près de mauvaises lampes ; ils en reçoivent les rayons qu’ils dirigent et rassemblent en un foyer très vif sur les points où l’ouvrier travaille et où il concentre à la fois toute son attention et toute sa lumière. Peu lui importe en effet que les