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GEORGE SAND

III.[1]
LA POLITIQUE, LA NATURE ET L’ART. — DERNIERES ANNEES.


I.

Si le problème religieux pèse d’un poids non moins lourd sur notre génération que sur la génération précédente, il n’en est pas de même du problème social. Jamais à aucune époque, sauf peut-être à la veille de la révolution française, les bases sur lesquelles repose la vieille organisation de la société n’ont eu à soutenir un assaut aussi redoutable que durant la période de 1830 à 1848. Jamais autant d’intelligences d’élite ne se sont coalisées contre elle et n’ont dirigé contre ses institutions essentielles un feu mieux nourri d’invectives et de sophismes. Les luttes politiques ont pris de nos jours, malgré leur vivacité, un tout autre caractère. Ce qui est en jeu, ce que l’on se dispute avec acharnement, c’est le pouvoir, le pouvoir qui satisfait chez les uns l’ambition légitime de mettre en pratique leurs théories et leurs idées, chez les autres le besoin longtemps contenu des jouissances et du bien-être. Quant aux utopies sociales et aux réformes humanitaires, on n’en retrouve plus guère l’écho que dans les bas-fonds des clubs où ils servent à déguiser assez mal des appétits brutaux. Mais il n’en allait pas ainsi au lendemain d’une révolution qui avait surexcité tant d’espérances qu’elle s’est montrée impuissante à satisfaire, et l’on est aujourd’hui confondu du nombre d’esprits sincères, généreux, désintéressés, qui se sont laissé entraîner durant cette période aux rêveries

  1. Voyez la Revue du 15 février et du 14 mars.