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d’années considérable passées au service de ces mêmes compagnies. En est-il ainsi des ministres ? Est-il désirable, nous dirons même est-il possible de confier un fardeau si lourd à un seul homme, ministre pour quelques mois, quelques semaines peut-être, trop souvent étranger par sa profession, par les habitudes de toute sa vie, aux questions si nombreuses que soulève l’industrie des chemins de fer ? Depuis 1838, il y a eu en France trente-sept ministres des travaux publics. Comment, absorbé par la politique, par la lutte pour l’existence « ministérielle, » l’homme le mieux doué pourrait-il mener à bien la plus légère amélioration ?

Au premier abord et à ne juger les choses que superficiellement, l’exploitation d’un chemin de fer par l’état ne paraît point différer de l’exploitation par une compagnie ; pour les voyageurs surtout, la différence est à peine sensible : les trains partent et arrivent sans incidens, tout semble identique.

Pour reconnaître les dissemblances profondes qui existent entre les deux systèmes, il faut pénétrer plus avant, il faut étudier les conditions de la tarification, puis la valeur des tarifs perçus ; il faut voir les administrations en contact avec le public, non plus pour porter simplement un voyageur à destination, mais pour régler un litige personnel ou commercial ; il faut enfin rechercher quelles sont les conséquences financières de chacun des systèmes en présence.

Nous ne parlerons ici que des rapports généraux du public avec les chemins de fer, ainsi que de l’organisation militaire ; les détails techniques et financiers ont été écartés parce qu’ils nous auraient entraîné trop loin.

Lorsque la construction ou l’exploitation des chemins de fer sont confiées à des sociétés concessionnaires, la règle qui préside aux arrangemens à intervenir en cas d’accident pour les personnes et d’incident pour les choses est simple, c’est la responsabilité et la réparation du préjudice causé. Si un arrangement amiable ne peut se conclure, les tribunaux interviennent. Le code civil s’exprime, à cet égard, dans des termes qui n’ont aucune ambiguïté.

La responsabilité est complète, entière. Que les compagnies disparaissent et soient remplacées par une administration d’état, la responsabilité disparaît, elle aussi, et fait place à la réglementation, et quelle réglementation ! La poste perd une lettre ordinaire, elle n’est pas responsable. L’état, chemin de fer, perdra un colis, il ne le paiera pas ou il édictera un règlement fixant à 0fr. 75 cent, la valeur maxima du kilogramme d’un colis perdu ; pour une malle de 30 kilogrammes contenant des robes de soie, des objets de toilette en rapport avec la situation de fortune du voyageur, objets pouvant valoir de 2,000 à 3,000 francs et pour lesquels une compagnie paierait ce prix, l’état accordera 22 francs