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font rêver à leurs électeurs est un leurre, car elle est aussi contraire aux possibilités constitutionnelles qu’aux tendances actuelles de l’Allemagne, qui semblent avoir cherché leur expression et leur symbole dans l’Alsace-Lorraine érigée en pays indivis de l’empire. M. de Bismarck l’a donné de nouveau à entendre assez clairement dans la séance du Reichstag du 8 mars courant, quand il a rappelé que l’autorité centrale de l’Alsace-Lorraine ne saurait être transférée à Strasbourg, ainsi que les autonomistes le souhaitent, mais doit être maintenue à Berlin, attendu que c’est là aussi que sont groupées les autorités de l’empire, duquel cette province relève à titre de possession immédiate. Si le prince-chancelier a ajouté qu’il ne désespérait pas de voir l’Alsace-Lorraine obtenir quelque jour une représentation nationale indépendante, cette bonne parole, adroitement calculée en vue de ne rien compromettre, n’a été dans sa bouche qu’une façon de reconnaître les services que les autonomistes alsaciens ont déjà rendus à la cause allemande et une exhortation à persévérer sans découragement dans leurs louables et intéressans efforts.

Des amis de la symétrie et des effets d’ensemble ont paru regretter les élections de la Basse-Alsace. Il y aurait eu plutôt lieu, selon nous, de s’en féliciter, comme étant de nature à introduire dans la députation d’Alsace-Lorraine un élément de contradiction qui ne pouvait que tourner à l’avantage des dix autres représentans de cette province, défenseurs zélés des véritables intérêts et des droits du pays, si un vote récent du parlement n’était venu transformer du tout au tout les conditions de la lutte. Sur la proposition du gouvernement, le Reichstag a consenti en effet, sans trop de regrets, à se dessaisir au profit du Landesausschuss de son droit de contrôle sur les affaires alsaciennes. On s’est efforcé de présenter cette résolution comme constituant un pas considérable vers l’émancipation politique et administrative de l’Alsace-Lorraine. Les autonomistes en particulier et la presse officieuse se sont donné beaucoup de mal pour le faire croire, peut-être pour se le persuader à eux-mêmes ; le gouvernement, de son côté, a retardé de près de six semaines la publication de la nouvelle loi afin de permettre à l’empereur Guillaume de dater de Strasbourg le décret de promulgation et d’attribuer ainsi à cet acte le caractère solennel d’une charte. Par malheur les débats devant le parlement ont été trop approfondis pour qu’il puisse subsister le moindre doute sur la vraie portée de la loi du 2 mai 1877. Tous les amendemens qui tendaient à faire de cette loi un acte constitutionnel, accordant des garanties sérieuses de libre administration et de libre discussion, furent impitoyablement repoussés ; plusieurs des députés autono-