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L’ALSACE-LORRAINE.

mistes de la Basse-Alsace n’hésitèrent même pas à contribuer au rejet d’une proposition qui devait investir les membres du Landesausschuss des immunités et des prérogatives parlementaires dont jouit, en Allemagne, la moindre diète provinciale, tant ces députés étaient désireux « de ne point indisposer le gouvernement par des exigences intempestives. » Le gouvernement, en effet, n’entendait pas aller si loin. Son véritable but, en présentant cette loi de concert avec la majorité du Reichstag, était de décharger ce dernier de l’ennui d’avoir à consacrer une si grande partie de son temps à l’examen des affaires d’Alsace-Lorraine et de s’assurer à lui-même un peu de tranquillité de ce côté. Ce but est désormais complètement atteint. Le Landesausschuss demeure ce qu’il a toujours été, une simple délégation des conseils-généraux, maintenue dans l’esprit conciliant qui lui sied par la menace permanente d’une intervention du Reichstag. Si ses attributions ont été accrues, ç’a été uniquement en vue d’éloigner à l’avenir de la tribune du parlement des discussions gênantes et de déplaisans débats, que le télégraphe et les journaux s’empressaient de divulguer et de répandre au dehors. Grâce à la loi du 2 mai, les affaires d’Alsace-Lorraine sont maintenant rentrées pour longtemps dans le silence et le calme du huis-clos. Les députés de la Lorraine et de la Haute-Alsace conserveront bien en principe le droit de porter leurs doléances devant le Reichstag, mais le règlement, qui arme le président de l’assemblée d’un pouvoir discrétionnaire absolu et qui n’admet l’exercice du droit d’initiative que sous la forme solennelle de propositions signées par quinze membres au moins, mettra presque toujours obstacle aux velléités que les représentans indépendans de l’Alsace-Lorraine auraient de donner aux affaires de leur pays la vaste publicité et le retentissement qu’assurent des débats parlementaires.

Les choses iront-elles mieux sous le nouveau régime dont le Landesausschuss vient d’être, au moins en apparence, constitué le pivot ? Nous voudrions pouvoir le souhaiter pour l’Alsace-Lorraine, mais nous avouons avoir peine à croire que de tels expédiens soient faits pour remédier à une situation matérielle et morale aussi profondément troublée que l’est celle dont nous avons essayé de rendre compte, car le mal gît bien moins, comme on a pu le voir, dans l’état politique et administratif introduit par l’Allemagne dans sa nouvelle province, que dans le bouleversement économique et social produit par la conquête et entretenu par la contrariété des intérêts en présence.

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