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Gordon, Purdy, Chaillé-Long, etc., entreprises en vue d’étendre la domination du khédive sur les pays situés au sud de l’Égypte. De son côté, M. E. Banning, l’un des secrétaires de la conférence, vient de faire paraître, une nouvelle édition, revue et augmentée, ornée de cartes et de planches, du livre qu’il avait consacré à cette œuvre humanitaire. L’expérience d’une année a suffi pour démontrer que les doutes et les craintes qui avaient accueilli les débuts de « l’Association internationale pour réprimer la traite et ouvrir l’Afrique centrale » n’avaient aucun fondement. Comme le dit avec raison M. Banning, l’idée était venue à son heure ; elle est tombée dans un milieu merveilleusement préparé à la recevoir, tout disposé à la faire fructifier. L’attention publique est en éveil, et ne se laisse plus détourner de cet objet, même par les plus graves événemens.

Il ne s’agit pas seulement d’un immense effort à faire en commun pour arriver à l’abolition définitive de la traite, qui, d’après une évaluation du supérieur de la mission catholique de Bagamoyo, inflige encore aujourd’hui aux populations africaines une perte annuelle d’un million d’âmes ; il ne s’agit pas seulement de faire participer ces pays si peuplés aux bienfaits de la civilisation, on a compris aussi qu’il y avait là une vaste arène ouverte aux colons européens. « Il faut, dit M. Banning, au torrent qui entraîne les sociétés modernes un lit plus large… Le nouveau monde ne suffit plus à absorber des forces que l’étendue du globe entier ne sera pas trop pour équilibrer. » Enfin l’intérieur de l’Afrique ne pouvait manquer de séduire le zèle religieux des missionnaires anglais, et déjà quatre ou cinq missions protestantes viennent d’être fondées sur les bords des grands lacs équatoriaux ; plus d’un million de francs a été recueilli à cet effet par des souscriptions.

Ajoutons que le comité exécutif de l’Association internationale s’est occupé l’année dernière d’organiser une expédition chargée d’établir, à partir de la côte orientale, un certain nombre de « stations scientifiques et hospitalières, » et d’entreprendre ensuite un voyage d’exploration dans l’intérieur du continent. Deux stations gratuites sont dès à présent à la disposition du comité : c’est d’abord, à Zanzibar, l’agence de MM. Roux de Fraissinet et Cie, puis, dans l’Ouniamuési, rétablissement de M. Philippe Broyon, — un Suisse qui a épousé la fille d’un des rois du pays ; on espère qu’on aura sans difficulté une troisième station gratuite sur la côte, et pour les autres qu’il y aura lieu d’établir sur les bords du Tanganyka, etc., on dispose de fonds très suffisans dont le comité exécutif est autorisé à faire l’usage qui lui paraîtra le meilleur. Ainsi tout se réunit pour faire espérer que l’œuvre inaugurée, il y a deux ans, ne sera pas stérile.


Le directeur-gérant, C. BULOZ.