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vitesse des astres qui la composent, ces données lui permettront peut-être, si elles sont assez nombreuses, de déterminer à l’avance la forme que prendra un jour cette matière sidérale et le centre unique auquel viendront se réunir, après des milliers d’années, ces soleils en mouvement depuis des siècles. La psychologie des peuples et l’histoire font un travail analogue où le passé et le présent révèlent l’avenir ; elles nous montrent dans l’aspiration à la liberté le principe et la fin de tous les mouvemens de l’humanité. L’idée de liberté, d’indépendance, de droit, a dès à présent ceci pour elle, qu’elle est le plus haut idéal que nous puissions concevoir ; or, en fait de progrès, l’avantage reste nécessairement aux idées les plus hautes. D’après les symboles antiques, l’univers visible serait né tout entier de cette éternelle aspiration ou, si l’on veut, de cette parole éternelle retentissant dans l’immensité : — Que la lumière soit ; — ne pourrait-on dire que l’univers moral et social naît tout entier d’un désir ou espoir incessant, d’une idée indestructible, d’une parole intérieure qui retentit à l’infini dans la conscience du genre, humain et se traduit en actes dans l’histoire : — Que la liberté soit ?

Il faut appliquer à ces hautes notions telles que la liberté et le droit ce que Schelling et Hegel disaient de Dieu : elles ne sont pas, mais elles deviennent. L’évolution de la nature et son devenir peut n’avoir pas de but, mais l’évolution de l’humanité en a un, par la raison décisive que c’est l’humanité qui se propose à elle-même un but et s’impose un idéal à réaliser. Les plus grands parmi les individus et les peuples sont ceux qui ont placé ce but le plus haut et qui ont fait effort pour y atteindre. Sous ce rapport la France est au premier rang.

Par là se révèle à nous la loi de développement à laquelle notre pays ne saurait se soustraire sans se rabaisser et sans mettre en péril sa grandeur, son existence même. Un peuple se développe selon l’idée directrice dont le caractère national et la philosophie nationale sont l’expression ; or l’idée directrice dû peuple français, nous l’avons vu, a été celle de la liberté produisant l’égalité et la fraternité. Ne pourrait-on tirer de là, relativement à l’avenir de notre pays, des conséquences toutes pratiques ? Nous nous bornerons à les indiquer ici comme par anticipation.

D’une part, toute nation a besoin, pour résister aux causes dissolvantes, d’une cohésion morale, d’une unité psychologique, de ce qu’on a appelé l’âme du peuple ; un peuple qui aurait pour ainsi dire en soi cent âmes diverses porterait la division dans son sein et tôt ou tard se fractionnerait, comme ces organismes inférieurs où la vie encore diffuse et dispersée tend à se dissoudre : les lois de l’histoire naturelle valent pour les nations. D’autre part, toute