Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 26.djvu/581

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On remarqua bientôt, à droite du chœur, un couloir étroit qui contournait l’abside. On s’y engagea, et l’on s’aperçut qu’il conduisait dans une catacombe dont tout le monde ignorait l’existence. La première crypte où l’on pénétra était juste placée derrière le chœur de la petite basilique avec lequel elle communiquait par une fenêtre ; elle contenait des peintures du VIIe siècle qui représentent quatre personnages vêtus à la mode du temps et rangés autour d’une belle image du Christ. Leur nom, selon l’usage, est inscrit près de leur portrait, et chacun d’eux tient à la main la couronne des martyrs.

C’étaient des victimes de la dernière persécution. Nous possédons encore leurs actes qui nous ont conservé le récit de leur mort et de leur sépulture : ils nous racontent que deux frères avaient été exécutés par l’ordre de Dioclétien, et jetés dans le Tibre. L’empereur, qui savait que le culte qu’on rendait aux martyrs dans les catacombes exaltait l’ardeur des fidèles, avait défendu, sous peine de mort, qu’on les ensevelît ; mais ces menaces, qui furent souvent exécutées, n’arrêtaient personne. La sœur des deux chrétiens qui venaient de mourir, Viatrix[1], et deux saints prêtres, Crispus et Jean, décidés à remplir ce qu’ils regardaient comme leur premier devoir, s’étaient placés près de la chapelle des frères Arvales. Le fleuve forme là une courbe assez brusque, et il était naturel de penser que les corps des martyrs y seraient jetés sur le rivage. L’endroit d’ailleurs était favorable à leur pieuse entreprise. Les cérémonies des Arvales avaient cessé de s’accomplir depuis le règne de Gordien et de Philippe ; la foule ne venait plus, comme autrefois, assister aux jeux qu’ils donnaient dans leur hippodrome, quand la fête était finie. Ce qui prouve que ce lieu devait être désert et dangereux, c’est qu’on y a trouvé la. tombe d’un habitant du pays qui fut assassiné par des voleurs, avec ses sept esclaves. Viatrix et ses compagnons ne furent donc pas aperçus quand ils recueillirent les restes des saints qui flottaient sur le Tibre depuis Rome. Ils ne pouvaient pas songer à les déposer dans les grandes catacombes de la voie Appienne, qui étaient trop éloignées, ils les portèrent dans un cimetière voisin qu’on appelait, probablement du nom d’une riche chrétienne qui l’avait donné à l’église, le cimetière de Generosa. C’était une ancienne carrière de sable qu’on avait disposée pour les sépultures, et qui s’étendait jusque sous le bois des Arvales. Cette petite catacombe, qui ne servait que pour les paysans des environs, fut mise en honneur par la réputation des martyrs qu’on y avait enterrés. Plus tard, Viatrix elle-même, qui fut enfin victime de son zèle et qui périt comme ses

  1. Les actes des martyrs donnent à cette sainte le nom plus ordinaire de Béatrix. M. de Rossi pense qu’il n’y a pas de raison de lui enlever celui de Viatrix qu’elle porte sur la peinture qui la représente. N’est-il pas convenable à une chrétienne, tandis qu’elle vit dans le monde, de s’appeler « la voyageuse ? »