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frères, y fut ensevelie à côté d’eux. Nous savons que sa tombe était pieusement visitée par les pèlerins des premiers siècles. Pendant les guerres du moyen âge, elle fut si bien oubliée et perdue que Bosio et ses successeurs l’avaient longtemps cherchée sans succès : on vient de voir quel hasard singulier l’a fait découvrir de nos jours.

M. de Rossi a établi, par des rapprochemens ingénieux, que la petite basilique qui s’élevait au devant du cimetière de Generosa avait été bâtie du temps de Gratien, et il a retrouvé à quelle occasion on l’avait construite. En 382, Gratien publia un édit qui confisquait tous les biens des temples païens. C’était le dernier coup porté à un culte qui n’était pas accoutumé à la misère et ne vivait plus que de ses riches dotations. Les biens dont on dépouillait l’ancienne religion furent en grande partie attribués à la nouvelle, et les églises héritèrent presque partout des temples. Voilà comment l’évêché de Rome devint propriétaire du bois des Arvales et remplaça la vieille corporation qui durait, disait-on, depuis Romulus[1]. Pour prendre possession de ces nouveaux domaines, le pape Damase y fit bâtir la petite église qu’on vient de découvrir. Elle était destinée à sanctifier les lieux où le paganisme avait si longtemps célébré ses cérémonies. Le temps a ruiné à la fois les constructions du pape Damase et celles qu’avait élevées la corporation païenne ; elles se sont mêlées ensemble, et quand, après quinze siècles, quelques curieux ont remué ces débris, ils ont retrouvé les murailles délabrées d’une vieille église à côté du temple rond où venaient chanter et danser les frères Arvales, et les vases sacrés qui servaient à leur culte secret dans les galeries d’une catacombe chrétienne. — Il n’y a qu’à Rome, dans cette terre qui recouvre deux antiquités, qu’on puisse faire de pareilles rencontres.


III

Avec le troisième volume de la Rome souterraine, l’exploration du cimetière de Calliste est finie : c’est une première période qui s’achève dans l’étude des catacombes. Il convient, je crois, avant que cette étude se poursuive, de chercher à quel résultat elle est en ce moment arrivée. Jetons donc un coup d’œil d’ensemble sur les travaux de M. de Rossi ; demandons-nous quels sont les faits nouveaux dont ils ont enrichi l’histoire et les conquêtes définitives que leur doit l’archéologie chrétienne.

Le premier service que M. de Rossi nous ait rendu, c’est d’avoir

  1. M. de Rossi fait remarquer que la propriété où l’on a retrouvé les restes du temple des Arvales n’a pas cessé, depuis Gratien, d’être un bien d’église ; elle paie encore aujourd’hui une redevance au chapitre de Santa Maria in via lata.