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d’habitans prirent la fuite, se réfugièrent à Beaucaire et y firent un tel tableau des dangers que couraient leurs concitoyens que le comte de Bernis se décida à marcher sur Nîmes. L’énergie du dernier avertissement qu’il adressa au général Gilly prouva à ce dernier qu’il ne pouvait plus tenir. Dans la soirée du 16 juillet, après avoir confié au général de Maulmont, placé sous ses ordres, le commandement de la garnison enfermée dans les casernes, il quitta secrètement la ville, accompagné par quatre ordonnances. Un peu plus tard, cent hommes du 14e chasseurs s’éloignèrent aussi. Protégée par quelques officiers et soldats retraités, par une troupe de Cévenols, cette sortie eut un caractère terrible. Armés jusqu’aux dents, pâles de rage, prêts à broyer tout ce qui leur aurait fait obstacle, les cavaliers parcoururent le boulevard au galop, en déchargeant leurs carabines, en poussant des cris de colère, et rejoignirent leur général. Il les conduisit sur la route d’Anduze, qui le mettait en communication avec les Cévennes où, comme nous l’avons dit, il espérait défendre longtemps la cause impériale et où dès le lendemain, menacé par le comte de Vogué, il se réfugia. Puis il adressa aux populations sur lesquelles il comptait un appel désespéré. Il leur demandait de « s’armer de bon cœur » et de former un corps de 25,000 hommes, « au nom du bien public et de l’humanité. » Tous les hommes de dix-huit à soixante ans, étaient invités à marcher dès que la générale serait battue, « à se servir de fusils de chasse, de fourches et de faux[1]. » A cet appel, 4,000 hommes environ répondirent. L’agitation se maintint ainsi durant quelques semaines et causa des malheurs dont on connaîtra bientôt l’étendue. Puis ces bandes se dispersèrent, ne laissant au général Gilly d’autre issue que la fuite.

Le lendemain du jour où il quitta Nîmes, le préfet du Gard, baron Ruggieri, se décidait enfin à reconnaître le gouvernement royal. Il disparut après l’avoir proclamé. Un commissaire de police le fit évader de la ville. Le drapeau blanc fut alors arboré ; on vit quelques cocardes blanches. Mais les fédérés étaient encore les maîtres. Ils parcoururent la ville, après avoir enfermé dans leur quartier les gendarmes déjà porteurs de la cocarde blanche. Ils firent feu sur plusieurs personnes. Un garçon boulanger fut tué[2] dans cette dernière convulsion du bonapartisme expirant.

  1. Archives nationales. Rapport du préfet du Gard.
  2. Jean Vignolle.