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qui contenait plus de douze mille dessins originaux, dont beaucoup de premier ordre[1]. Ailleurs, ainsi surtout au Musée national, de grandes familles, de riches amateurs ont déposé des ouvrages précieux, sous une étiquette spéciale qui constate leur droit de propriété ; pour plus d’un de ces objets, il est permis de l’espérer, le prêt fait au musée se transformera, un jour ou l’autre, en un complet abandon, la possession provisoire deviendra définitive.

Les couvens ont fourni une ample moisson. Supprimés par les lois de désamortissement qui ont été appliquées dans la Toscane après son annexion au royaume d’Italie, ils ont livré des tableaux de piété et des sculptures décoratives qui ornaient jadis leurs chapelles et les tombes des personnages qui s’y étaient fait enterrer. Quelques-uns des Luca della Robbia les plus authentiques et les plus charmans que possède le Musée national proviennent du célèbre monastère de Vallombreuse. Les maisons princières ont donné plus encore. Après la disparition de toutes les dynasties qui s’étaient si longtemps partagé la péninsule, le roi d’Italie, leur héritier, se trouva de tous les souverains de l’Europe celui qui possédait le plus de palais historiques ; chacune de ces familles royales ou ducales avait employé plusieurs siècles et le plus clair de ses revenus à se construire et à se meubler des palais dont la masse imposante et le luxe intérieur rivalisassent avec ce qu’avaient de plus pompeux les demeures de souverains bien plus puissans. Toutes ces résidences somptueuses, dont le nombre dépassait celui des villes importantes du royaume, que pouvait en faire Victor-Emmanuel ? On connaît ses habitudes, on sait combien il avait peu de goût pour la représentation. D’ailleurs il avait joué assez brillamment son rôle dans une des plus grandes révolutions que l’histoire ait jamais vues pour que sa personne et sa présence seule parlât à l’imagination de son peuple et lui commandât le respect, sans qu’il eût besoin de recourir aux mêmes gênes d’étiquette et au même appareil de mise en scène que jadis un duc de Modène ou un roi de Naples. Enfin l’entretien de tant de bâtimens eût absorbé des sommes que l’Italie pouvait mieux employer. La liste civile n’a donc eu qu’un souci, se soustraire, autant que possible, à la lourde obligation d’entretenir toutes ces villas, tous ces palais. Elle était contrainte d’en conserver à sa charge quelques-uns, ceux que recommandaient impérieusement ou de chers souvenirs de famille, comme à Turin, ou l’importance de cités telles que Milan, Florence, Naples, qui pouvaient prétendre à l’honneur de posséder, le roi dans certaines occasions ou à certains

  1. Citons encore la belle suite de vases grecs qui a été léguée par M. Vagnonville, non pas à l’état, mais au municipe florentin ; ils ont été déposés au Palais-Vieux.