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momens de l’année. Quant aux autres, le domaine s’est montré toujours prêt à les céder aux villes ou aux provinces, dès que celles-ci trouvaient à les utiliser et promettaient d’en prendre soin. C’est ainsi, pour nous en tenir à la Toscane, que la villa du Poggio imperiale, à laquelle se rattachent tant de souvenirs du beau temps des Médicis, est devenue une maison d’éducation où beaucoup de familles nobles font élever leurs filles ; on les y envoie de Rome et des provinces voisines pour qu’elles y apprennent les élégances du parler toscan. Pour répondre à cette destination nouvelle, la villa n’avait pas besoin de garder ces trésors d’art qu’y avait jadis réunis le goût éclairé de ses premiers maîtres. Les statues en furent donc enlevées. L’Adonis de Michel-Ange en avait été déjà retiré en 1850 pour être transporté aux Offices ; on avait été bien longtemps à s’apercevoir qu’il était temps de soustraire ce bel ouvrage à l’effet des intempéries auxquelles il restait exposé, depuis près d’un siècle, sous le portique ouvert de la cour. En 1860, après l’annexion, les autres marbres de prix que contenait le palais prirent le même chemin, les antiques entrèrent aux Offices, les œuvres modernes au Musée national[1].

Les églises elles-mêmes ont fourni leur tribut. Ce n’est pas qu’aucune d’elles ait été dépouillée. En général, les églises de Florence ont conservé les ouvrages qui ont été commandés à leur intention, qu’y ont placés les mains mêmes des maîtres, qu’y ont admirés, l’une après l’autre, tant de générations ; elles nous les présentent encore dans leur cadre historique, se complétant et s’expliquant l’un l’autre, formant enfin, malgré toutes les restaurations et tous les remaniemens, des groupes naturels dont chacun nous révèle, bien plus clairement et avec une bien autre éloquence que les œuvres éparses dans les musées, le caractère propre d’un homme, d’une école, d’un siècle, ou tout au moins de l’une des heures d’un grand siècle. Pourtant, dans plusieurs de ces églises, des reconstructions, des changemens extérieurs ou intérieurs avaient rendu disponibles un certain nombre d’ouvrages intéressans. Ils étaient perdus dans des coins où personne n’en jouissait ; ils étaient déposés dans des sacristies et des magasins. Les retirer de cette ombre et les remettre dans un beau jour, sous les yeux du public, ce n’était point dépouiller les propriétaires légitimes, c’était faire acte de goût et de piété. C’est ainsi que sont entrés au Musée

  1. L’Adonis avait déjà figuré pendant quelque temps aux Offices, dans la salle de l’Hermaphrodite. Il en avait été retiré et avait été expédié au Poggio imperiale, sur l’avis de je ne sais quel critique qui avait déclaré que cette statue n’était pas de Michel-Ange, mais de son élève Rossi. M. Gotti, qui rapporte le fait, ne nous donne pas le nom de l’auteur de cette belle découverte.