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s’était prononcé pour l’affirmative. Il n’invoquait aucun texte; mais il se fondait sur les principes généraux, d’après lesquels les décisions d’un tribunal ne sont définitives que dans les limites de sa compétence, et qu’autant qu’il a respecté la loi. Il faisait valoir que la loi du 16 septembre 1807 avait autorisé des recours pour violation des formes et de la loi contre les arrêts de la cour des comptes. Mais un avis de l’assemblée générale du conseil, en date du 27 juillet 1820, avait repoussé cette opinion et déclaré qu’aucun recours n’était admissible tant que la loi ne serait pas modifiée.

Cependant, quelques années après, le conseil d’état était saisi d’un pourvoi formé dans des circonstances qui le forçaient à revenir sur l’avis de 1820. Un conseil de révision avait exempté un jeune homme du service militaire pour cause de bégaiement, infirmité reconnue et constatée contradictoirement en présence de jeunes gens de sa classe. Dix jours après, sur la réclamation du maire de la commune, il rapportait sa décision et déclarait le jeune homme bon pour le service. Le conseil d’état jugea, le 21 janvier 1829, qu’en rapportant sa décision, qui était définitive, le conseil de révision avait excédé ses pouvoirs. M. Macarel, en reproduisant cet arrêt du conseil dans son Recueil des arrêts, indique en note que ce point a été longuement débattu devant le conseil d’état; « il nous semble, ajoute-t-il, que la solution adoptée (et que la force des choses a produite) est protectrice des intérêts privés. »

Telles sont les bases du recours pour excès de pouvoirs à ses débuts : la force des choses, la nécessité de protéger les intérêts privés.

Le conseil d’état du gouvernement de juillet ne pouvait manquer de confirmer cette jurisprudence libérale, mais il fallait lui trouver une base dans un texte de loi. L’ordonnance du 2 février 1831 avait établi la publicité des séances, les doctrines allaient être discutées par les avocats, par le ministère public; il ne suffisait plus d’affirmer le droit du conseil, les preuves étaient devenues nécessaires.

La question se représenta à l’occasion des réclamations que soulevaient les décisions du jury de révision de la garde nationale. La loi du 22 mars 1831 portait que ces jurys statuaient sans recours. Le conseil d’état jugea, le 15 juillet 1832, que ces décisions pouvaient donner lieu à un recours pour incompétence ou excès de pouvoirs. Il avait d’abord ajouté que ces recours ne pouvaient être introduits que sur le rapport d’un ministre, mais il abandonna bientôt cette restriction. Quant au texte qui pouvait servir de base à cette jurisprudence et prévaloir même sur les lois qui attribuaient un caractère définitif à des décisions des juridictions spéciales, on le trouva dans la loi des 7-14 octobre 1790 d’après laquelle les recours pour