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incompétence à l’égard des corps administratifs sont portés au roi, chef de l’administration générale.

Qu’est-ce que ce texte qui a été, depuis 1832, si fréquemment cité, qui est encore cité dans les arrêts du conseil? C’est un décret rendu par l’assemblée constituante à propos d’une difficulté qui s’était élevée entre le directoire du département de la Haute-Saône et la municipalité de Gray au sujet des pouvoirs du directoire en matière d’alignement dans les rues de la ville servant de grandes routes. Cette difficulté avait été portée par la municipalité, qui se prétendait seule compétente, devant le bailliage de Gray. L’assemblée nationale, après avoir entendu son comité de constitution, proclama : 1° que l’administration en matière de grande voirie attribuée aux corps administratifs par l’article 6 du décret des 6-7 septembre 1790 comprend, dans toute l’étendue du royaume, l’alignement des rues des villes, bourgs et villages qui servent de grandes routes; 2° qu’aucun administrateur ne peut être traduit devant les tribunaux pour raison de ses fonctions publiques, à moins qu’il n’y ait été renvoyé par l’autorité supérieure, conformément aux lois; 3° que les réclamations d’incompétence à l’égard des corps administratifs ne sont, en aucun cas, du ressort des tribunaux; qu’elles seront portées au roi, chef de l’administration générale, et que dans le cas où l’on prétendrait que les ministres de sa majesté auraient fait rendre une décision contraire aux lois, les plaintes seront adressées au corps législatif. Ce décret se termine ainsi : « Le roi sera prié de donner les ordres nécessaires pour l’exécution des différentes parties de ce décret, et l’apport de la procédure commencée au bailliage de Gray, à l’occasion de l’une des traverses de cette ville, pour être sur ladite procédure statué ce qu’il appartiendra. »

Il est facile d’apercevoir que dans ce texte le conseil d’état n’est pas mentionné. Le conseil d’état de l’ancienne monarchie, réorganisé par diverses ordonnances de Louis XVI, notamment par un règlement du 9 août 1789, qui avait créé un comité contentieux des départemens, existait encore au mois d’octobre 1790; mais l’assemblée constituante avait résolu de le supprimer et elle le supprima en effet par les lois du 1er décembre 1790 et des 27 avril-25 mai 1791. Peut-être remarquera-t-on aussi que la loi des 7-14 octobre 1790 ne parle que de l’incompétence et ne mentionne pas les excès de pouvoirs. L’observation a été faite par M. de Cormenin en 1845, à une époque où il ne participait plus aux travaux du conseil d’état. Et cela n’est pas sans importance, car on verra bientôt comme le sens des mots excès de pouvoirs a été élargi; mais les deux mots étaient déjà indissolublement liés dans les précédens du