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réclama la mobilisation des corps fédéraux n’appartenant pas à la Prusse. Le lendemain les relations diplomatiques étaient rompues entre les deux puissances par le rappel des ambassadeurs.

Le 16 juin, après une brusque sommation, M. de Bismarck mettait la main sur le Hanovre, la Hesse et la Saxe, qui avaient refusé de revenir sur leurs notes à la diète et de désarmer. « Nous sommes à la veille de grands événemens, disait alors M. de Bismarck à M. Hansen, le dénoûment approche et ne saurait être ajourné. Nous ferons de l’histoire, et chacun y aura sa part. En attendant nous ignorons les vues et les intentions de l’empereur. Quelles sont ses conditions? Pourriez-vous me les indiquer? Tandis que tout le monde sait ce que la Prusse veut, nul ne peut dire encore ce que veut la France[1]. »

Le roi Guillaume, avant de se jeter dans une lutte qui pouvait être fatale à son pays et à sa couronne, s’adressa une dernière fois à l’empereur. Il aurait voulu lui faire renouveler par écrit ses promesses de neutralité et ne pas laisser aux hasards de la guerre le soin d’en régler les conditions. L’empereur répondit au roi qu’il était difficile de prévoir les résultats du conflit qui allait s’engager, et que les deux souverains devaient compter réciproquement sur leur bonne foi, et sur le désir de maintenir entre eux, quoiqu’il arrivât, les rapports les plus amicaux.

Plus convaincu que jamais qu’il serait par la force des choses l’arbitre de la paix, l’empereur persistait à ne vouloir prendre aucun engagement.

Trois semaines après son entrée en campagne, l’Autriche était réduite à réclamer l’intervention militaire et diplomatique de la France, qui, surprise elle-même par les événemens, ne put répondre à cet appel désespéré qu’en s’interposant entre elle et les exigences du vainqueur. Les assises de l’empire germanique étaient jetées, et la France en avait scellé la première pierre. La cour des Tuileries eut de douloureuses journées à traverser après le coup si inattendu que la bataille de Sadowa porta à sa fortune. Elle sentait, et la France avec elle, que sa prépondérance en Europe lui serait désormais disputée.


G. ROTHAN.

  1. J. Hansen. — A travers la diplomatie, avec préface de M. Valfrey.