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procédés tend à disparaître devant les deux autres. Les meilleurs sciages sont obtenus avec les bois gras faciles à travailler et moins exposés que les autres à se gercer. Les dimensions données aux pièces varient suivant les localités, mais partout on cherche à les débiter sur mailles, c’est-à-dire autant que possible dans le sens des rayons médullaires, de façon à ce que la surface présente les veines faites dans le bois par les couches annuelles, et soient ainsi d’un aspect plus agréable à l’œil. Une espèce de sciage qui, dans ces dernières années, a pris un grand développement est celle de la frise à parquet, pour laquelle il faut des chênes de choix; la Haute-Marne est renommée pour cette fabrication. Le merrain ne se scie pas, il se fend de façon que la fibre du bois n’étant pas interrompue, le liquide ne puisse s’infiltrer et se perdre. C’est le chêne rouvre qu’on emploie de préférence et qu’on fend, pendant qu’il est encore vert, dans le sens des rayons médullaires. Les dimensions du merrain varient suivant la nature des tonneaux qu’il doit servir à fabriquer. C’est par la fente aussi qu’on obtient des échalas de vignes et les lattes pour treillage si recherchées aux environs de Paris.

Le bois n’est pas le seul produit du chêne; l’écorce, surtout celle des jeunes arbres, contient une assez grande proportion de tannin ou acide tannique, qui, mis en contact avec la gélatine des peaux, forme avec elle le composé insoluble et imputrescible appelé cuir. C’est la base d’une importante industrie dans laquelle la supériorité de la France a été reconnue à toutes les expositions et se manifeste d’ailleurs par un accroissement constant dans le chiffre des exportations des peaux ouvrées. Cette supériorité est due en grande partie à la bonne qualité de nos écorces de chêne dont les nations étrangères nous demandent chaque année près de 58 millions de kilogrammes d’une valeur d’environ 15 millions de francs; par contre, nous en importons 20 millions de kilogrammes, ce qui fait une différence en faveur des exportations de 38 millions de kilogrammes. La production totale des forêts de la France étant de 327 millions de kilogrammes, il en reste pour la consommation intérieure 289 millions. Avec cette quantité, à raison de 3 kilogrammes de tan pour 1 kilogramme de peaux, on peut tanner annuellement 96 millions de kilogrammes de peaux, non compris celles qui sont préparées avec d’autres substances, telles que les écorces de bouleau, d’épicéa, d’yeuse, de sumac ou les cônes de pin maritime.

Les forêts de la France pourraient produire une bien plus grande quantité de tan, car un grand nombre de propriétaires hésitent à faire écorcer leurs taillis, soit par crainte que le bois pelé ne se vende moins bien, soit plutôt parce qu’ils redoutent pour leurs forêts les conséquences de cette opération. L’écorçage, tel qu’il a